Si mes conclusions sont opposées, j'en suis pourtant moi aussi arrivé à adopter ma démarche après une expérience pas toujours très heureuse menée sur une période relativement longue.
Le montage des vidéos consiste le plus souvent en une sélection (ou un résumé) d'événements selon une thématique ou un point de vue très partiaux et réducteurs, et surtout liés à notre état d'esprit à l'instant présent.
Or, les contenus enregistrés ne prennent généralement de l'importance que beaucoup plus tard, à la lumière de situations nouvelles qui les rendent parfois inestimables. C'est bien souvent à ce moment qu'on s'aperçoit qu'on ne les a plus, parce qu'on ne les avait pas jugés suffisamment importants au moment de les jeter.
Pour illustrer mon propos, imaginez que vous immortalisez le baptême d'un nouveau navire. Au cours du montage que vous effectuez quelques jours après l'événement, vous gardez les images qui, sur le moment, ont suscité en vous intérêt et curiosité (le navire, les personnages officiels, la cérémonie, etc.), et vous éliminez le reste pour ne pas dépasser la capacité du support et ne pas rendre la vidéo rébarbative. Vingt ans plus tard, le navire est toujours là, les officiels sont passés à la postérité ou sont tombés dans l'oubli, et votre vidéo ne présente finalement plus beaucoup d'intérêt... En revanche, quelques inconnus parmi les spectateurs sont devenus des personnages de premier plan, les lieux qui vous connaissiez depuis votre enfance ont totalement été défigurés par les travaux de réaménagement, et l'ami ou le parent qui vous accompagnait à cette cérémonie a tragiquement disparu. Vous aviez bien des images de tout cela, mais malheureusement vous les avez coupées au montage, ou n'en avez gardé que des vues furtives et indistinctes, parce qu'elles vous paraissaient alors insignifiantes...
Ce genre d'expérience m'est arrivé plus d'une fois, et je le regrette vivement. C'est pourquoi maintenant je garde
tout.
Mon avis est que, pour les souvenirs, le film final a beaucoup moins d'importance que les traces qu'on peut garder du passé, aussi insignifiantes soient-elles.
Concernant la conversion du format, il en va un peu de même. Transférer ses vidéos sur les meilleurs supports
de diffusion du moment s'avère à long terme nettement insuffisant, car la conversion nécessaire s'est toujours accompagnée d'une perte de qualité. Si la qualité obtenue semble acceptable sur le moment, elle ne l'est plus des années après, quand la technologie permet d'avoir celle du support original, et bien mieux encore.
Je pense par exemple aux vidéos VHS amateur qui ont été transférées sur des VCD, théoriquement plus pérennes, dont nous nous émerveillions à l'époque. Fallait-il être aveugle ? Le fait est qu'on n'ose maintenant même plus les regarder, parce que la bouillie de pixels qu'ils nous restituent est insupportable (je préfère encore regarder les VHS d'origine à moitié effacées, c'est dire !).
Quant aux DVD, il ne faudrait pas croire qu'ils soient exempts de ce défaut, car le codage MPEG-2 qu'ils utilisent occasionne également des pertes par rapport aux enregistrements originaux. On s'en aperçoit particulièrement maintenant que l'affichage en haute définition est disponible et qu'il nous a rendus plus exigeants sur la qualité des images.
Certes la limitation du stockage est toujours une question importante, mais force est de constater que c'est un faux problème dès lors que les capacités ne cessent d'augmenter et les prix de descendre. Les gigaoctets d'il y a dix ans ont fait place aux teraoctets, et cette évolution ne semble pas vouloir ralentir. On arrive donc pratiquement toujours, bon an mal an, à numériser et archiver tous ses souvenirs sans perdre en qualité... à condition de savoir attendre sans rien jeter.