Je ne raconterai pas plus ma lessive qu'autre chose, parce que ça ne regarde que moi et mes sous-vêtements.
Ce qui me déplaît dans ce sujet, c'est le "syndrome du camescope" : on passe son temps à filmer les enfants qui jouent, les potes qui font la fête ou la mariée qui lance sa jarretière, mais on est pas avec eux. On reste à côté d'eux, à regarder la vie comme un spectacle au lieu d'y prendre part. Les images défilent dans l'½illeton, mais la main est trop occupée pour choper la jarretière, pour boire avec les potes ou retenir Bastien qui, décidément, s'amuse trop près du bassin. Grâce au camescope, l'homme devient l'égal du bovin, qui regarde les trains qui passent sans jamais monter dedans, si ce n'est pour aller à l'abattoir.
Ben là, c'est pareil. Si j'écris ce que je fais là maintenant, je ne suis plus en train de le faire. Si je me regarde vivre, je ne vis plus.
En outre, il y a une autre raison majeure qui m'empêche de partager mes lessives : ça n'intéresse personne. Je pourrais bien sûr céder à la tentation narcissique de détailler le blanc et la couleur, mais je n'ai pas d'amour immodéré pour mon nombril (ni pour mon détergent d'ailleurs). S'il m'arrive de raconter quelques bribes de ma triste existence de grincheux aigri, c'est toujours dans le but d'illustrer une problématique, une idée ou quelque connerie sortie de mon imagination. Sans cela, il me semblerait être impudique et ça me poserait un sérieux problème car, s'il m'arrive volontiers d'être vulgaire, je m'en voudrais d'être obscène. C'est sans doute pourquoi je prends plus de plaisir à dire des horreurs avec Amok ou sonnyboy qu'à remâcher mes états d'âmes avec des gens qui ne savent pas boire.
Bengilli a un jour dit que cet endroit n'était pas un vomissoir. Tout bien réfléchi, je ne pense pas que ce soit davantage le lieu des thérapies de groupe.
Cela dit, je n'ai nullement l'intention d'intervenir plus longuement dans ce sujet admirable où l'on visite les souvenirs comme les morts au cimetière : vous pouvez reprendre une activité normale.