Je reviens d'une autre planète.
Une planète où les propriétaires réels des œuvres n'ont plus de droit sur leur diffusion, où les spectateurs ont des devoirs envers les œuvres, où les créateurs sont respectés hors de toute considération marchande.
Une planète, inconnue, non cartographiée, située aux confins d'une galaxie honnie, la galaxie du pire tout pire, la face "barbare" du Web 2.0.
Je ne sais même pas où cette planète se trouve. Un jour, un de ses occupants m'a pris la main, et je l'ai suivi, les yeux bandés.
Je vais essayer de vous raconter ce voyage. Sans exposer cette communauté de "partageurs", ni ce forum.
Car il s'agit d'une communauté.
Comme toute communauté, elle a ses règles. Elles tiennent en quelques grandes directions :
1. La discrétion, et l'apprentissage technique nécessaire à la garantie de cette discrétion. Depuis longtemps, déjà, la communauté n'accepte plus de membres que ceux qui sont invités par les meilleurs d'entre eux.
2 La qualité. Ici, pas de blockbusters, pas de films de culs, et tout un tas de prescriptions techniques quant aux "bonnes pratiques" d'échanges, parmi lesquelles la tracabilité des fichiers échangés : références précises du support copié, type de technique mise en œuvre pour la copie, etc.
3. La loyauté. Ce monde comporte ses bons et ses mauvais. Les mauvais, sont les leechers. Ils prennent sans donner. Un arsenal technique permet de les repréer à coup sur, et de les ejecter de la planète. Les bons sont les "uploaders", ceux qui donnent plus qu'ils ne prennent. Ils sont respectés.
4. La conservation. Le "catalogue" (j'en donnerais un aperçu tout à l'heure) se doit d'être disponible, le plus complet possible. Les œuvres rares, censurées, introuvables, les colllections complètes, les œuvres historiques, les documentaires et autres émissions de radios sont particulièrement favorisées.
Voici donc un endroit où, pour parler clairement, des gens échangent des œuvres cinématographiques et musicales qu'ils possèdent généralement en toute légalité. Et qu'ils partagent dans l'iilégalité, mais non sans silence.
La commmunauté est, en effet, rattachée à un courant intergalactique, que l'on aperçoit parfois sous la bannière des P2PUnited, ou dans les écrits des théoriciens du Web2.0.
Le Web2.0, c'est ce concept forgé par Andrew Kantor. Je sais que le texte est en anglais mais, s'il vous plait, essayer de le lire avant de me vouer aux gémonies.
Alors, concrètement, qu'ai-je trouvé dans cette petite planète, forte de quelques millliers d'habitants ?
Un catalogue, d'abord.
Quelques aperçus des fichiers "images" les plus partagés, d'abord. En pole position, Rise and Fall of Idi Amin, une chronique romancée de la barbarie d'un dictateur africain bien connu. Jamais sorti en France. Puis, Le violent, aka In a lonely Place, le deuxième film de Nicholas Ray, le réalisateur de la fureur de vivre. Avec Humpfrey Bogart. 1950
Puis What the #*°! do we know, un film expérimental récent de William Hantz. Génial.
Puis Diarios de motocicletas, sur la jeunesse d'Ernesto Guevara, sorti une semaine aux USA.
Puis Unlocking the secrets of G-Spot, un documentaire issu des célèbres sexologues du Sinclair Institute.
Puis Carl Jung on film, un autre documentaire, de Stephen Segaller (1957).
Puis Caché, de Michael Haneke (2005). Le premier de la liste qui ait eu une carrière commerciale récente et décente.
La liste pourrait s'éterniser. On y trouverait ainsi le premier Frankeinstein (1910) de Searle Dawley, Tokyo-Ga, un docu de Wim Wenders, ou Grizzly Man, un autre docu de Werner Herzog. Ou encore The Call Of Chtulhu, un petit film récent, dont on parlait il y a peu dans ces forums. Etc...
Rigolo, non ?
Les plus "partagés" du moment ? The Wild Blue Yonder, un docu halluciné de Werner Herzog (2005), Straw Dogs, de Peckinpah (1971), THX 1138 de Georges Lucas (1967), ou encore Consciousness, creativity and the Brain, un documentaire philosophique de David Lynch (2005), mais aussi MirrorMask, de Neil Gaiman et Dave McKean, ou Bubble, le dernier Soderbergh, vendu sur le net le jour de sa sortie en salle. Et encore des Werner Herzog, car il était le MOM, le Master of the Month du tracker il y a peu, et chacun était donc invité à contribuer à enrichir de ses œuvres le catalogue.
Allez, un dernier aperçu : les requests, ce que les menbres voudraient voir vite rentrer dans leur catalogue dématérialisé :
Protozoa, le film de fin d'études de Daren Aronofsky, jamais distribué, Satantango, de Béla Tarr (7,5 heures !), Destino, de Dali et Ch. Dysney, jamais distribué non plus, ou encore Drawing Restraint, un magnifique Mathieu Barney non sorti en DVD...
Des films cultes, des films aux carrières difficiles, des films sortis des catalogues de vente de DVD, des collections complètes de cinéastes importants, des documentaires télés.
Il y a donc ainsi, dans notre univers, un endroit où les premiers Georges Mélies, les films censurés, les films dont les distributeurs refusent de les sortir en DVD, les films qui ne sont plus trouvables que par chance dans les sites d'enchères d'occasions, se rassemblent. Un endroit où des colllectionneurs, ou de simples cinéphiles passionnés viennent partager leurs trésors, et échanger dessus.
Parce que, bien sur, la planète ne se résume pas à un "tracker". Au dessus de la salle du catalogue, il y a un forum. Avec ses espaces techniques, ses salles de conférences, ses espaces de discussions artistiques, son bar...
Bref, une vie communautaire. Précaire. Honnie. Chassée.
Et fière. Si si. Fière.
Et je ne sais trop qu'en penser.
Sont-ils le mal ou le bien ? Sont-ils des voleurs ou des passionnés ?
J'aimerais connaître le montant de leur budget ciné annuel. Entrée en salles, achat de DVD... Je le parie important, très important.
Je m'interroge. Je relis le Web 2.0. Notamment sa fin.
Une planète où les propriétaires réels des œuvres n'ont plus de droit sur leur diffusion, où les spectateurs ont des devoirs envers les œuvres, où les créateurs sont respectés hors de toute considération marchande.
Une planète, inconnue, non cartographiée, située aux confins d'une galaxie honnie, la galaxie du pire tout pire, la face "barbare" du Web 2.0.
Je ne sais même pas où cette planète se trouve. Un jour, un de ses occupants m'a pris la main, et je l'ai suivi, les yeux bandés.
Je vais essayer de vous raconter ce voyage. Sans exposer cette communauté de "partageurs", ni ce forum.
Car il s'agit d'une communauté.
Comme toute communauté, elle a ses règles. Elles tiennent en quelques grandes directions :
1. La discrétion, et l'apprentissage technique nécessaire à la garantie de cette discrétion. Depuis longtemps, déjà, la communauté n'accepte plus de membres que ceux qui sont invités par les meilleurs d'entre eux.
2 La qualité. Ici, pas de blockbusters, pas de films de culs, et tout un tas de prescriptions techniques quant aux "bonnes pratiques" d'échanges, parmi lesquelles la tracabilité des fichiers échangés : références précises du support copié, type de technique mise en œuvre pour la copie, etc.
3. La loyauté. Ce monde comporte ses bons et ses mauvais. Les mauvais, sont les leechers. Ils prennent sans donner. Un arsenal technique permet de les repréer à coup sur, et de les ejecter de la planète. Les bons sont les "uploaders", ceux qui donnent plus qu'ils ne prennent. Ils sont respectés.
4. La conservation. Le "catalogue" (j'en donnerais un aperçu tout à l'heure) se doit d'être disponible, le plus complet possible. Les œuvres rares, censurées, introuvables, les colllections complètes, les œuvres historiques, les documentaires et autres émissions de radios sont particulièrement favorisées.
Voici donc un endroit où, pour parler clairement, des gens échangent des œuvres cinématographiques et musicales qu'ils possèdent généralement en toute légalité. Et qu'ils partagent dans l'iilégalité, mais non sans silence.
La commmunauté est, en effet, rattachée à un courant intergalactique, que l'on aperçoit parfois sous la bannière des P2PUnited, ou dans les écrits des théoriciens du Web2.0.
Le Web2.0, c'est ce concept forgé par Andrew Kantor. Je sais que le texte est en anglais mais, s'il vous plait, essayer de le lire avant de me vouer aux gémonies.
Alors, concrètement, qu'ai-je trouvé dans cette petite planète, forte de quelques millliers d'habitants ?
Un catalogue, d'abord.
Quelques aperçus des fichiers "images" les plus partagés, d'abord. En pole position, Rise and Fall of Idi Amin, une chronique romancée de la barbarie d'un dictateur africain bien connu. Jamais sorti en France. Puis, Le violent, aka In a lonely Place, le deuxième film de Nicholas Ray, le réalisateur de la fureur de vivre. Avec Humpfrey Bogart. 1950
Puis What the #*°! do we know, un film expérimental récent de William Hantz. Génial.
Puis Diarios de motocicletas, sur la jeunesse d'Ernesto Guevara, sorti une semaine aux USA.
Puis Unlocking the secrets of G-Spot, un documentaire issu des célèbres sexologues du Sinclair Institute.
Puis Carl Jung on film, un autre documentaire, de Stephen Segaller (1957).
Puis Caché, de Michael Haneke (2005). Le premier de la liste qui ait eu une carrière commerciale récente et décente.
La liste pourrait s'éterniser. On y trouverait ainsi le premier Frankeinstein (1910) de Searle Dawley, Tokyo-Ga, un docu de Wim Wenders, ou Grizzly Man, un autre docu de Werner Herzog. Ou encore The Call Of Chtulhu, un petit film récent, dont on parlait il y a peu dans ces forums. Etc...
Rigolo, non ?
Les plus "partagés" du moment ? The Wild Blue Yonder, un docu halluciné de Werner Herzog (2005), Straw Dogs, de Peckinpah (1971), THX 1138 de Georges Lucas (1967), ou encore Consciousness, creativity and the Brain, un documentaire philosophique de David Lynch (2005), mais aussi MirrorMask, de Neil Gaiman et Dave McKean, ou Bubble, le dernier Soderbergh, vendu sur le net le jour de sa sortie en salle. Et encore des Werner Herzog, car il était le MOM, le Master of the Month du tracker il y a peu, et chacun était donc invité à contribuer à enrichir de ses œuvres le catalogue.
Allez, un dernier aperçu : les requests, ce que les menbres voudraient voir vite rentrer dans leur catalogue dématérialisé :
Protozoa, le film de fin d'études de Daren Aronofsky, jamais distribué, Satantango, de Béla Tarr (7,5 heures !), Destino, de Dali et Ch. Dysney, jamais distribué non plus, ou encore Drawing Restraint, un magnifique Mathieu Barney non sorti en DVD...
Des films cultes, des films aux carrières difficiles, des films sortis des catalogues de vente de DVD, des collections complètes de cinéastes importants, des documentaires télés.
Il y a donc ainsi, dans notre univers, un endroit où les premiers Georges Mélies, les films censurés, les films dont les distributeurs refusent de les sortir en DVD, les films qui ne sont plus trouvables que par chance dans les sites d'enchères d'occasions, se rassemblent. Un endroit où des colllectionneurs, ou de simples cinéphiles passionnés viennent partager leurs trésors, et échanger dessus.
Parce que, bien sur, la planète ne se résume pas à un "tracker". Au dessus de la salle du catalogue, il y a un forum. Avec ses espaces techniques, ses salles de conférences, ses espaces de discussions artistiques, son bar...
Bref, une vie communautaire. Précaire. Honnie. Chassée.
Et fière. Si si. Fière.
Et je ne sais trop qu'en penser.
Sont-ils le mal ou le bien ? Sont-ils des voleurs ou des passionnés ?
J'aimerais connaître le montant de leur budget ciné annuel. Entrée en salles, achat de DVD... Je le parie important, très important.
Je m'interroge. Je relis le Web 2.0. Notamment sa fin.
"Les propriétaires possèdent toujours. Les créateurs continuent à créer, et les deux sont conscients de leur rôle respectif. Tous deux gardent le contrôle sur leurs créations, les deux peuvent faire de l'argent avec. Mais quelque chose a changé. Le contenu devient partagé. Il n'appartient pas à une commmunauté, mais le concept de partage limité ("seul toi et toi seul peut voir cette œuvre reproduite sur ce support précis") se détériore à grande vitesse dans l'ère numérique. C'était écrit.
Web 2.0 n'est pas la cause de ce retournement. Il en est la conséquence. Les signes du changement furent plantés dès le premier message dans le premier forum, quand les internautes construirent d'eux mêmes les premieres communautés en ligne. Les applications concrètes du Web2.0 proviennent toutes de là, et ont contribué à accélérer ce changement, dont Flick'r, Technoratis ou del.icio.us ne sont que des illustrations.
Comment cela va-til finir ? Je ne le sais pas. (Je ne sais pas s'il y a une fin). Mais je peux clairement voir que l'avenir du "contenu", et de la création future, est lié à nous tous, et pas seulement à chacun de nous."
Web 2.0 n'est pas la cause de ce retournement. Il en est la conséquence. Les signes du changement furent plantés dès le premier message dans le premier forum, quand les internautes construirent d'eux mêmes les premieres communautés en ligne. Les applications concrètes du Web2.0 proviennent toutes de là, et ont contribué à accélérer ce changement, dont Flick'r, Technoratis ou del.icio.us ne sont que des illustrations.
Comment cela va-til finir ? Je ne le sais pas. (Je ne sais pas s'il y a une fin). Mais je peux clairement voir que l'avenir du "contenu", et de la création future, est lié à nous tous, et pas seulement à chacun de nous."