Bof !Je disais à mes enfants : "ça c'était un festival !
On a cru que c’était le début de quelque chose alors qu’il s’agissait de la fin d’une époque.
Rétrospectivement le sommet de Woodstock est le set de Hendrix, le troisième jour, devant un public épars, celui que la pluie, la nuit, la faim et le froid n’avait pas chassé. La plupart des choses advenues avant suintaient la suffisance politique d’une génération de privilégiés prétentieux qui se disqualifia elle-même dans la décennie qui suivit. Jimi était vrai. Il était juste. Son Star Spangled Banner valait tous les discours.
M’enfin, je me marre encore en écoutant Joan Baez dédier sa chanson au gouverneur de Californie, Ronald Reagan, « car nous n’avons pas d’ennemis », les harangues de Country Joe McDonald, révolutionnaire de carnaval, le vieux Max Yargus, proprio du terrain « I’m a farmer » qui le retrouvera ravagé trois jours plus tard et impropre pour de longues années à toute exploitation, ce pauvre con d'Abbie Hoffman se prendre la guitare de Townsend sur la tronche — le meilleur de la prestation indigente des Who — quelques bons moments de musique (Santana, Mountain, CSN&Y, Jefferson Airplane, Janis Joplin), certains surprenants (Canned Heat, Ten Years After, Johnny Winter) et des trucs plus improbables en guise de bouche-trous (Melanie, Sha-na-na, John Sebastian, Ravi Shankar).
À un moment le speaker annonce que le festival devient « gratuit » par la force des choses et donc que les organisateurs allaient boire la tasse « les pauvres ! ». Duplicité ? Naïveté ? Rassurez-vous, ils sont bien rentrés dans leurs $ car tout cela n’était qu’une opération commerciale bien menée. J’y ai participé, même plus de vingt-ans après, j’ai les disques, forcément.
Appâtés par le gain, les Rolling Stones essayeront de fabriquer le même truc quelques mois plus tard sur le circuit d’Altamont : quatre morts et là aussi un chouette film au titre programmatique, « Gimme Shelter ».
Trois jours d’amour, de paix et de musique. Je suis né dans ce bordel numéroté 1969 et personne ne m’avait dit qu’après ces trois jours ce serait fini, définitivement.