Très cher Monsieur machin dont je ne connais pas le nom, avez-vous d'ailleurs existé?
Peut-être que non. Peut-être êtes vous une entité collective, et dans ce cas c'est à plusieurs que je m'adresse. Peut-être faut-il que je remonte plus loin pour retrouver le père de cet objet pour l'existence duquel je m'en vais présentement vous féliciter.
De tous les modes de transport que l'homme s'est mis en devoir de mettre au point pour coloniser son espace, le train est certainement le plus civilisé. Ce n'est là pas seulement l'effet des rails et des planifications qu'ils imposent, c'est aussi fonction de temps et d'espaces.
J'aime bien les bulles du train. J'aime qu'elles m'englobent, m'enrobent.
Il y a des années de ça, je prenais fréquemment la même ligne, une ligne à grande vitesse, avec un enfant qui n'était pas le mien, mais que j'amenais de gare en gare. Nous ne nous connaissions pas, lui et moi. C'était un magnifique métisse, et je l'appelais "mon petit kiwi". Les plus jeunes ne peuvent pas comprendre.
Mon petit kiwi, avec qui s'était nouée une relation de confiance et de proximité, aimait bien le train. Je le récupérais sur le quai, où ses parents me l'amenaient, et je l'amenait à ses grands parents, sur le quai de destination. Je voyageais moitié prix, avec la carte Kiwi©, ses parents soufflaient un week-end, lui retrouvait le jardin de ses grands-parents.
Dans l'intervalle, on jouait un peu, on lisait, et rapidement mon petit kiwi s'endormait, la tête sur mes genoux, ou contre la vitre. Je lui mettais sa veste en coussin, il allongeait ses jambes sur les miennes, et il dormait comme un bienheureux, le temps que l'oiseau de fer traverse à 90 mètres par seconde la campagne bourguignonne.
Et là se créait une bulle de paix et de sérénité, autour de nos deux sièges. On s'abstrayait de la réalité du compartiment, moi dans mon livre, lui dans ses rêves. Le temps s'écoulait sans heurts dans un espace coutumier.
Parfois mon petit kiwi avait la bougeotte. Une petite kiwi, ou un autre petit kiwi croisait dans les parages.
Mon petit kiwi sortait du nid, allait jouer.
J'avais vingt-cinq ans, et il en avait cinq. J'étais toujours très fier que l'on puisse penser qu'il était à moi quand on jouait, ou qu'on se racontait des histoires. Non pas que j'ai voulu me l'accaparer, mais parce je compris auprès de lui quel père je souhaitais être pour mes enfants à venir.
Dans ces petites bulles de train à grande vitesse.
Pourtant, même si c'est pratique, j'aime pas trop le tégévé. Pas assez confortable. C'est un peu comme un bus, le tégévé.
Les innombrables fois où j'ai pris le tégévé sans mon petit kiwi, je me suis souvent retrouvé au Bar, à discuter, boire, fumer. Avec des inconnus, avec des connus qu'on est content de voir là, parce que pourquoi pas, hein.
Et c'est agréable, souvent. Et pas seulement parce que la discussion accélère la montre.
Mais ce que je préfère, c'est pouvoir prendre le temps de m'installer. Recréer mon bureau, travailler, lire, boire, manger. M'étaler dans un compartiment, ou un carré avec table centrale.
Là, je suis dans un de ces carrés en cuir crème et petits coussins en tissu écru, un wagon de première du Téoz, un corail aménagé qui joint pluisieurs fois par jour les rives sud de l'Atlantique à la Méditerranée.
Et on est bien.
Je dis on, parce qu'en face de moi, Joanes regarde le 140 ème épisode de Naruto en v.o. Il a baissé le store à hauteur de yeux. Il est dans le sens de la marche. Sinon, il a la nausée.
J'ai basculé mon siège au maximum, je tapote dans une position confortable, jambes croisées. Dans l'ipod avec James Holden au contrôle, y'a mon ami© Kalkbrenner qui monte son Gerbrünn Gerbrünn, et moi je monte le son.
Et le péké fumé sur l'esplanade ensoleillée de la gare fait bouger ma tête.
On a fait notre petite bulle. Pas besoin de se parler. On a parlé. Des phrases murement réfléchies, qui n'ont besoin que de peu de mots pour se former. Et puis, ça fait 24 heures qu'on ne se lache pas d'une semelle, sauf pour aller pisser et dormir. Et dix heures de train et trente heures. S'il reste des trucs à dire, elles attendront ce soir. Il mange à la maison. C'est un privilège de célibataire, de pouvoir se faire inviter souvent dans les cuisines de copains, surtout en semaine.
C'est con, si j'y avais pensé avant, j'aurais pu faire une compotée d'oignons pour accompagner le lapin. Un bon lapin fermier, roti avec de la ventreche, de la tapenade et des tomates confites. Juste une cuillère de compotée, tu la poses à coté des pâtes fraiches. Prochaine fois.
Je vais finir ma note sur les politiques culturelles sur le territoire de l'Hérault, et je vais me mater l'ultime épisode de la deuxième saison de Prison Break, juste pour voir comment ces petits malins posent les bases de la saison trois.
Non mais.
Il s'appelle Georges Stephenson, le "véritable inventeur de la locomotive". Merci Monsieur Stephenson.
Peut-être que non. Peut-être êtes vous une entité collective, et dans ce cas c'est à plusieurs que je m'adresse. Peut-être faut-il que je remonte plus loin pour retrouver le père de cet objet pour l'existence duquel je m'en vais présentement vous féliciter.
De tous les modes de transport que l'homme s'est mis en devoir de mettre au point pour coloniser son espace, le train est certainement le plus civilisé. Ce n'est là pas seulement l'effet des rails et des planifications qu'ils imposent, c'est aussi fonction de temps et d'espaces.
J'aime bien les bulles du train. J'aime qu'elles m'englobent, m'enrobent.
Il y a des années de ça, je prenais fréquemment la même ligne, une ligne à grande vitesse, avec un enfant qui n'était pas le mien, mais que j'amenais de gare en gare. Nous ne nous connaissions pas, lui et moi. C'était un magnifique métisse, et je l'appelais "mon petit kiwi". Les plus jeunes ne peuvent pas comprendre.
Mon petit kiwi, avec qui s'était nouée une relation de confiance et de proximité, aimait bien le train. Je le récupérais sur le quai, où ses parents me l'amenaient, et je l'amenait à ses grands parents, sur le quai de destination. Je voyageais moitié prix, avec la carte Kiwi©, ses parents soufflaient un week-end, lui retrouvait le jardin de ses grands-parents.
Dans l'intervalle, on jouait un peu, on lisait, et rapidement mon petit kiwi s'endormait, la tête sur mes genoux, ou contre la vitre. Je lui mettais sa veste en coussin, il allongeait ses jambes sur les miennes, et il dormait comme un bienheureux, le temps que l'oiseau de fer traverse à 90 mètres par seconde la campagne bourguignonne.
Et là se créait une bulle de paix et de sérénité, autour de nos deux sièges. On s'abstrayait de la réalité du compartiment, moi dans mon livre, lui dans ses rêves. Le temps s'écoulait sans heurts dans un espace coutumier.
Parfois mon petit kiwi avait la bougeotte. Une petite kiwi, ou un autre petit kiwi croisait dans les parages.
Mon petit kiwi sortait du nid, allait jouer.
J'avais vingt-cinq ans, et il en avait cinq. J'étais toujours très fier que l'on puisse penser qu'il était à moi quand on jouait, ou qu'on se racontait des histoires. Non pas que j'ai voulu me l'accaparer, mais parce je compris auprès de lui quel père je souhaitais être pour mes enfants à venir.
Dans ces petites bulles de train à grande vitesse.
Pourtant, même si c'est pratique, j'aime pas trop le tégévé. Pas assez confortable. C'est un peu comme un bus, le tégévé.
Les innombrables fois où j'ai pris le tégévé sans mon petit kiwi, je me suis souvent retrouvé au Bar, à discuter, boire, fumer. Avec des inconnus, avec des connus qu'on est content de voir là, parce que pourquoi pas, hein.
Et c'est agréable, souvent. Et pas seulement parce que la discussion accélère la montre.
Mais ce que je préfère, c'est pouvoir prendre le temps de m'installer. Recréer mon bureau, travailler, lire, boire, manger. M'étaler dans un compartiment, ou un carré avec table centrale.
Là, je suis dans un de ces carrés en cuir crème et petits coussins en tissu écru, un wagon de première du Téoz, un corail aménagé qui joint pluisieurs fois par jour les rives sud de l'Atlantique à la Méditerranée.
Et on est bien.
Je dis on, parce qu'en face de moi, Joanes regarde le 140 ème épisode de Naruto en v.o. Il a baissé le store à hauteur de yeux. Il est dans le sens de la marche. Sinon, il a la nausée.
J'ai basculé mon siège au maximum, je tapote dans une position confortable, jambes croisées. Dans l'ipod avec James Holden au contrôle, y'a mon ami© Kalkbrenner qui monte son Gerbrünn Gerbrünn, et moi je monte le son.
Et le péké fumé sur l'esplanade ensoleillée de la gare fait bouger ma tête.
On a fait notre petite bulle. Pas besoin de se parler. On a parlé. Des phrases murement réfléchies, qui n'ont besoin que de peu de mots pour se former. Et puis, ça fait 24 heures qu'on ne se lache pas d'une semelle, sauf pour aller pisser et dormir. Et dix heures de train et trente heures. S'il reste des trucs à dire, elles attendront ce soir. Il mange à la maison. C'est un privilège de célibataire, de pouvoir se faire inviter souvent dans les cuisines de copains, surtout en semaine.
C'est con, si j'y avais pensé avant, j'aurais pu faire une compotée d'oignons pour accompagner le lapin. Un bon lapin fermier, roti avec de la ventreche, de la tapenade et des tomates confites. Juste une cuillère de compotée, tu la poses à coté des pâtes fraiches. Prochaine fois.
Je vais finir ma note sur les politiques culturelles sur le territoire de l'Hérault, et je vais me mater l'ultime épisode de la deuxième saison de Prison Break, juste pour voir comment ces petits malins posent les bases de la saison trois.
Non mais.
Il s'appelle Georges Stephenson, le "véritable inventeur de la locomotive". Merci Monsieur Stephenson.