Voilà que je passe un week-end en stage photo chez Olivier et lorsque je rentre, mon tableau de bord MacGé déborde littéralement de points disco. Jamais une de mes photos n'avait entraîné un tel engouement. J'en suis flatté bien sûr
, je vous remercie, mais je me questionne aussi. En effet, je poste ici essentiellement pour faire réagir. Mes premiers postes m'ont appris que d'autres que moi ne réagissaient pas de la même manière aux images. Une image que j'aime beaucoup peut passer inaperçue (je ne l'aime pas moins) et une autre que je trouve intéressante mais sans plus, peut avoir un grand succès.
Mais revenons en cuisine. Pour résumer, cette photo tire essentiellement son intérêt du contexte photographié. Le tirage, quoique conséquent est assez simple. Il n'a nécessité que très peu de masquage (base du tirage).
La photo postée précédemment au contraire m'a demandé beaucoup plus de travail pour sortir ce que je cherchais.
Revenons à cette photo. Comme toujours elle est construite en deux étapes, la prise de vue et le tirage j'inclus le développement dans la phase du tirage car les capacités des "dérawtiseurs" actuels débordent le simple développement.
La prise de vue est essentielle, c'est une évidence. Elle est ici imprévue : on ne peut pas commander un grain. La lumière en photo c'est, j'imagine, comme les pigments en peinture. La plus belle des lumières que puisse négocier un APN aujourd'hui se rencontre dans les deux heures qui entourent le levé et le coucher du soleil. Ici, je m'étais levé dans la nuit pour faire quelque chose avec
ce bateau qui m'attirait depuis le début de mes vacances : un vieux bateau garé sur un parking. La scène m'attirait, mais la lumière du crépuscule ne fonctionnait pas. Il fallait que je sacrifie une grasse matinée. Le dialogue entre ce bateau et un lampadaire est sans doute le cliché qui me plaît le plus dans ce que j'ai réalisé lors de mes dernières vacances. L'éclairage difficile de la scène a exigé un gros travail au tirage pour obtenir ce que je voulais. La lumière ce matin-là était vraiment intéressante, une aube sur un ciel déchiré, avec des grains et beaucoup de vent, soit une atmosphère qui a du "volume". Alors je me laisse attirer par le moment.
Ici, je me laisse ballotter par le vent.
Là, je fais obstacle au vent pour que mon pied reste stable durant la pose afin d'avoir un point net (le lampadaire) qui réponde au flou des bateaux agités par le vent. Plus le jour avance plus le ciel se charge. On est tôt le matin et il est donc très bas sur l'océan. Avec la lumière qui monte, l'eau prend des couleurs somptueuses. Et puis, il y a des grains. La lumière est suffisamment forte pour que l'on puisse les distinguer : un voile gris en travers. Mon APN peut-il attraper cela ? Je m'avance sur la digue pour "entrer" dans l'océan. Mais le vent est trop fort pour que je puisse obtenir une stabilité du pied. Je vais me protéger derrière le phare au bout de la digue. Il casse le vent et me protège un peu de la pluie. Les réglages ? Comme d'habitude : la courbe à droite pour ramener le plus d'information possible au développement : iso 100 ; f/16, 1/2s. J'attends un grain. J'en prends deux sur la tête et doit tout remballer à chaque fois. Finalement en voilà un qui se met à tomber au bon endroit. Horizon un tiers en haut clic (trop d'océan) ; un tiers en bas, clic (trop de ciel) ; au milieu, clic (trop symétrique). Je choisirais au tirage.
Au développement, les choses sont simples, comme je l'ai indiqué, la scène était dans les capacités de l'APN.
Température : 7500
Colors : 0
Exposition : 0 (je suis donc sous ex pour moi et j'aurais pu ouvrir un peu le diaphragme, mais ce n'est pas grave ici la courbe étant déjà bien à droite comme on le voit sur le réglage du point noir)
Récupération et lumière d'appoint : 0
Noirs : 90 (ma courbe était bien à droite et je peux aller faire fourmiller les détails dans les noirs)
Luminosité : 80
Contraste : 24
Clarté : 13
Vibrance et Saturation : 0
Courbe : linéaire avec +13 ; -19 ; -11 ; -17 ; les points d'inflexions étant déplacés à droite.
le reste est à 0 excepter la réduction de bruit : 14 et 7.
Ce premier travail est effectué en surveillant le voile de pluie.
Vient ensuite le tirage à proprement parler, soit les corrections sélectives : équilibrage de la luminosité et du contraste. Ici encore, le voile de pluie est très surveillé. Je choisis de bien marquer les trois bandes en traitant différemment, ciel (lisse du jaune au noir mettant en avant le voile de pluie), nuage (monochrome haché et cotonneux aux formes désordonnées) et eau (apaisé, vert avec un fourmillement de détails organisés, prenant la forme d'ondes). Je force un peu le contraste pour le WEB en essayant de ne pas en faire trop. En effet il me semble qu'une image qui est vue une seule fois (destin sur le web) doit percuter plus. Par contre elle devient lassante si elle est destinée à être regardée plus souvent. Le traitement devrait alors être plus subtil.
Voilà donc la genèse de cette image que j'aime beaucoup, sans doute aussi parce qu'elle me remémore un instant magique. Votre réaction me la fait regarder différemment. J'y prêterais plus d'attention pour tenter de comprendre. Mais, voyez-vous, je reste sous le charme de cette conversation entre un vieux bateau et un lampadaire, au matin, sur un parking.
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