Allez, un texte long aussi, hors concours, pour étoffer le sujet
Préambule facultatif sur l’évolution des épreuves : pour le grand oral du baccalauréat, chaque candidat prépare, au cours de l’année de Terminale, deux questions sur des sujets de son choix. Le jour de l’oral, le jury choisit l’un des deux sujets, le candidat doit exposer ses réflexions sur le thème pendant cinq minutes avant d’être interrogé sur ce même thème par le jury, et pour finir s’instaure un dialogue sur la façon dont le candidat voit son avenir.
Confrontation
La chaleur dans la salle est étouffante, le visage qui me fait face est rouge comme une
tomate. Cela fait moins de deux minutes que nous nous retrouvons en présence, nous avons à peine échangé trois mots, et depuis, la feuille comportant le sujet choisi a été positionnée sur la table entre nous deux et le silence s’est fait, un silence lourd, un vrai
supplice pour tous les présents. Car évidemment nous ne sommes pas seuls : l’autre membre du jury, positionné sur le côté, nous dévisage à tour de rôle, mal à l’aise.
Les secondes s’égrènent, elles s’étirent jusqu’à paraître des heures. J’ai des
fourmis dans les jambes, je voudrais tant être ailleurs.
Cela faisait plusieurs jours que ma convocation était posée, bien en vue, sur le
guéridon de l’entrée, et cette année encore, à chaque fois que je passais devant, je me demandais comment se passerait ce satané grand oral. Maintenant je le sais et je dirais : vraiment pas bien. Mais comment peut-on rester sec sur un sujet que l’on a choisi et que l’on a potassé pratiquement toute une année ? Comment peut-on demeurer ainsi à regarder la table, levant subrepticement les yeux comme pour vérifier que le cauchemar est bien réel, pour les rabaisser aussitôt ?
Alors il faut se faire une raison, l’échec est proche, il me reste une petite chance d’éviter le naufrage sur cette première phase, et je me résous à reprendre la parole :
« Monsieur Dupont, prenez deux profondes inspirations et lancez-vous ; mon collègue et moi-même serons heureux d’entendre votre exposé sur le thème que nous avons choisi, avant de vous poser nos questions… »
Il y aura encore deux candidats avant la pause de midi : pourquoi donc ai-je accepté la participation à un jury cette année encore ? Avec ces sujets préparés d’avance, on n’entend que des récitations insipides, quand on ne tombe pas sur un lycéen mutique comme celui-ci.
Cela gâche l’une des
finalités les plus motivantes de cette corvée : où sont passés les cancres volubiles d’antan qui dispensaient, sur des sujets qu’ils ne connaissaient pas, de longues phrases émaillées de savoureuses perles, dignes de figurer au sottisier annuel que je publiais assidûment sur mon blog ?