j'avais un creux entre deux rendez-vous.
je suis allé au Louvre voir
Mantegna.
Andrea Mantegna (1431-1506).
je tiens à vous rassurer, il va bien.
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décidément, j'aime ce musée.
j'aime m'y perdre...
je me souviens d'un temps passé où je donnais mes rendez-vous (de travail) dans la Grande Galerie du Louvre...
j'ai toujours aimé parler en marchant, comme si la mise en mouvement de tout le corps activait le mouvement de la pensée, s'accordait avec les mots et leur possible usage.
parler et marcher et parcourir les allées du Louvre, cela permet d'entrevoir des possibles, de créer des connexions entre différents registres ou de simplement se perdre.
aujourd'hui on préfère le confort d'un café à l'effort de la marche, l'inertie au mouvement...
donc, je déplace mon rendez-vous au Café Marly... :siffle:
je me souviens d'un autre temps où j'allais tous les dimanches matin au Louvre (comme d'autres vont courir ou à la Messe) suivant un parcours presque immuable, histoire de me rassurer que les tableaux étaient toujours là, qu'ils n'avaient pas disparu pendant mon absence.
(déjà, enfant, je mettais un objet lourd sur mes livres, de peur que les images ne s'envolent ou ne disparaissent pendant mon sommeil et le matin, je vérifiais que tout était encore là...).
parfois, à la faveur d'un passage ou d'un escalier, je me dérobais à la logique du parcours, pour tomber nez à nez avec des bas-reliefs du Haut Moyennage ou me retrouver chez les Sumériens, dans la mythique Babylone.
mais et malgré ces divagations épisodiques, je revenais toujours dans le droit-fil du parcours, pour finir dans l'aile du Pavillon de Flore, avec l'Ecole Espagnol (Vélasquez, Goya, El Greco, Ribera, Zurbarán, Murillo...).
parfois, je m'égarais chez les vénitiens (juste à côté) dans l'examen des détails d'un Guardi.
la lumière était latérale.
cela sentait l'encaustique et la térébenthine.
il y avait des peintres dans les allées.
des copistes.
je sortais, donc, côté Seine.
je traversais le pont, changeant de rive, pour aller boire un verre rue de Seine.
je me souviens des Mantegna du Louvre, dans la Grande Galerie, coincés entre Cimabue et d'autres primitifs et ses contemporains, comme Antonello da Messina ou Pisanello et Cosme Tura (il me semble), notamment la
Crucifixion (partie centrale originale de la prédelle du
Retable de San Zeno de Vérone).
et je repense à ce
Saint Sébastien (celui du musée de Vienne) qui figurait, sur un des murs de mon bureau, entre une photo en noir et blanc d'une
Poupée de Bellmer et une série de dessins pour
L'Histoire de l'oeil de Georges Bataille, issus d'un
Curiosa que j'avais en double exemplaire...
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chez Mantegna, il y a cette précision du trait, un hiératisme des postures et des gestes, une sévérité dans la composition, une forme d'illusionnisme dû à la perspective, une certaine puissance et monumentalité dans les décors architecturaux, une rigueur mathématique dans les rapports de proportion entre corps, figures et espace.
Andrea Mantegna. Crucifixion. 1459. tempera sur bois (partie de la prédelle d'un retable sous forme de triptyque). Musée du Louvre. Paris. (le reste de l'œuvre est à l' Église de Saint-Zénon à Vérone).
Andrea Mantegna. Retable pour l'église San Zénon de Vérone. 1456.
Andrea Mantegna. Martyre de Saint Sébastien. 1459. Kunsthistorisches Museum. Vienne.
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Mantegna n'a (apparemment) pas fait d'autoportrait.
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