Et si on refaisait l'histoire de l'art?

  • Créateur du sujet Créateur du sujet antoine59
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Et si on refaisait l'histoire de l'art?
Ce qui me "parle"(le plus & sans mots) dans les travaux de Lucian Freud se sont les nus endormis. Le traitement de la texture de la peau, sous toutes lumières, couleurs & transparences, est d'une vivacité et d'une simplicité étonnante: je vois, je peins... et dans le mouvement de ce que je vois.
Est-il dans la bonne tonalité? Est-il juste dans la morphologie? Sûrement, mais peu importe...
Ce que je perçois, c'est le double constat que L.Freud peut poser...
Citation de Sebastian Smee: "...le peintre montre à quel point le sommeil peut regorger d'efforts & d'urgence. Pour être vivant, même le plus simplement du monde, il faut une conjonction extraordinaire de hasard et de concentration..."
Regardez maintenant les demi-tons suintants, la pâleur inquiétante de la peau, l'épaisseur souhaité du dépôt de peinture... Cet homme dort... ou est-il déjà figé dans la certaine putréfaction de sa mort.
Qu'en pensez-vous? :)
 
Lucian Freud est plus un sculpteur qu'un peintre.
geste ample et fluide de la touche, hyperréalisme des matières.
on sent des fluides sombres et sauvages circuler dans ses corps.

la sensation de mort ou de cadavre est dû au jaune et au cinabre avec des bleus violacés
comme des trajets de vie qui parcourent tout le corps.

et souvent les nus sont posé sur des draps blancs ou des tas de chiffons blancs.
posture d'abandon.
crudité des chairs.

on pourrait y voir un linceul qui enserre et contient déjà.

ton exemple est bien celui d'un endormissement, entre l'affaisement et l'épuisement.

aucune odeur de putréfaction.

seulement, l'odeur de térébenthine et de lin à la colle de peau.


.
 
Personnellement, je viens de me rendre compte que je ressens un très grand malaise (voire envie de vomir même) ... juste à regarder les dernières reproductions des oeuvres de Freud que vous postez... (depuis celles de Rabisse) :D

Je précise que je ne juge pas ni ne qualifie les oeuvres en question...
C'est simplement ce que je ressens ;)
Aucune idée de ce que cela peut vouloir dire :D
 
Mais sur l'ensemble de la production, il y a réellement matière à ressentir une certaine filiation entre

Bacon & Freud

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outre le rapport obsessionnel au corps, à la nudité, à la chair,
la prédominance des portraits dans leur oeuvre et l'amitié qui les unissait,
je crois que presque tout les sépare... :siffle:

:p :D


Bacon tente un travail de défiguration des corps et non de représentation.

il travaille sur la dislocation et le mouvant, l'instable et le décalage,
le glissement et le brouillage par translation ou shuttering
(les chairs semblent en mouvement et comme animées).

chez Bacon, le corps est athlétique.

pour isoler le corps, Bacon le circonscrit dans un contour, un cadre, une structure filiforme,
un cercle (ce que Deleuze appelle "le rond", "la piste"), un ovale, un cube...

isoler le corps, c'est lui enlever ses fonctions narratives.
ensuite, l'aplat coloré qui isole la figure.
chez Bacon comme chez Manet, tout est plat.
il n'y a pas de reliefs ou d'aspérités.
pas de profondeur.
uniquement des instants brouillées.
des zones de déformation en mouvement.
c'est comme si la figure tentait de vouloir s'extraire ou de s'échapper de ce qui l'emprisonne et la définit.

s'extraire du contour qui isole.
s'échapper de l'aplat coloré.
et elle le fait avec une certaine violence, dans des mouvements incessants et agités.

ici, les corps tentent de s'échapper pour pouvoir exister.


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Francis Bacon. study for head of Lucian Freud. 1967.


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à l'inverse, Freud tente un travail de figuration des corps.
donc, de représentation.

les corps de Freud tendent vers une hyperréalité par recouvrement successif.
traitement expressionniste de la matière.
fluidité de la touche.
couleurs blafardes.
lumière froide sur des chairs lourdes et flasques.
il y a dans cette peinture une recherche obsessionnelle de la précision.
cela débouche sur une très grande expressivité.

et cet afflux de matière crée une "inquiétante étrangeté".

pour figurer le corps dans l'espace, Freud travaille les plongées ou contre-plongée,
en créant des points de vue, des mises en perspective et des jeux de diagonales.

il enferme ses corps dans des intérieurs minimalistes.
pour les isoler, il les pose sur une surface plus claire (drap, amas de linges, lit, divan ou parquet...).

il n'y a pas de structure.
pas de rond ou de piste, ni d'aplats qui isolent le corps.
les corps sont simplement figés, comme épuisés, souvent allongés ou endormis.
laissés à l'abandon.
dans des postures à la limite de l'indécence (Courbet).

il y aurait du Jean Rustin et du Francis Gruber dans cette peinture
(palette verdâtre, misérabilisme, exhibition des corps, intérieurs évidés...)

chez Freud, le corps ne tente pas de s'échapper.
il est simplement posé dans ce territoire qui le défini.



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Lucian Freud. Francis Bacon. 1952. huile sur métal. 7.8 x 12.7 cm. Tate Gallery.



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Lucian & Francis.

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J'ai très mal rédiger le post...
Je voulais établir une relation dans le traitement des matières de Freud et celui de Rembrandt concernant, ce que j'estime être, les tentatives de domestication patiente de la mort...
Les travaux de Bacon n'intervenait que pour signaler les modifications du fond de ton avatar, que j'avais remarqué...et dont je souhaitais te faire un clin d'oeil...;) voilà c'est fait... cela ne retire rien à la qualité de la réponse; sobre et d'une très grande maîtrise. :)
 
Après Picasso et ses maîtres, Bacon et les siens :D:D

Rembrandt (comme très bien remarqué par Rabisse (Heureux de voir un nouveau combattant :D:coucou::zen:)).

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Diego Valezquez
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Dominique Ingre.
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Van gogh
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Suite des portraits de Van Gogh, par Bacon d'après un de ses portraits aujourd'hui disparu Autoportrait sur la route de Tarascon.

Au passage, sur le thème du boeuf écorché, Chïm Soutine
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c'est le "Malaise dans la civilisation"... :siffle:

.

@ LHO

Je viens de comprendre grâce à l'analyse fort intéressante que tu fais dans ce post la raison de mon malaise. C'est relié à un traumatisme d'une certaine envergure... vécu lors d'un grave accident.
Y a-t-il quelque chose en lien avec le "Malaise dans la civilisation" de Freud, Sigmund (c'est à cela que tu penses j'imagine) je ne le sais...et n'ai pas besoin de le savoir.
En tous cas ce fil est toujours des plus intéressant à tous points de vue. :D
Merci :zen::zen::zen:
 
antoine aurait comme une fixation sur la période "arlésienne" de Bacon... :D



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un Bacon, moins connu...


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Francis Bacon. Head. 1948.


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Francis Bacon. Man with Dog. 1953.


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Francis Bacon. Study for a Portrait II. 1956.






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Francis Bacon. Three Studies for Figures at the Base of a Crucifixion.
1944. Tate Modern.

où l'on sent la nette influence de Graham Sutherland et de Picasso...
(et le triptyque est plus orange... :siffle: :confused:).


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Un triptyque de Bacon que j'aime beaucoup s'intitule "Triptyque mai-juin 1973"
aucune illustration disponible sur...:D la toile!
Bacon y peint la très violente gastro-entérite dont il a été le principal bénéficiaire... :sick:
L'ensemble très narratif (Francis aux toilettes, Le malaise de Francis, Francis vomit) apporte une note d'humour et de dérision. Pourtant cet ensemble s'intègre parfaitement dans la démarche de Bacon:
"Pour Bacon peindre est le moyen par lequel il essaie de retrouver l'aspect flagrant, précis, du fait vécu et partant, d'en restituer le côté réel."Luigi Ficacci.
 
Bigre, j'ai relu le début du fil (pour autre chose que le sujet, vu! LHO) et puis j'ai continué (un peu en diagonale tout de même :)) Ce fil est une vrai réussite et une expérience unique.
Mais je crois qu'il est utile que je me cale. Dans mon approche de l'Art, je suis très prés du "faire"(un plasticien) mes batailles se livrent sur le terrain du "comment"( texture, contrastes, circulation, etc...Itten me poursuit!) La préoccupation est surtout empirique, l'équilibrage difficile.
Le conceptuel intervient pendant ou plus tard après l'engagement... parce que le présent du travail est fragile et que, au final, la peinture résolue doit tenir seul au mur donc à la longue...j'ai oublié.
Le recentrage et la qualité du fil sont alors un apport indéniable.
Fini la logorrhée...

Un faiseur. P. Alechinsky
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"Mais vous savez, les choses ont l’air assez claires quand on en parle, mais ce n’est pas du tout comme cela que ça se passe lorsqu’on est sur la toile. Là, on ne sait pas où l’on en est, vers où l’on va et surtout ce qui va se passer. On est dans le brouillard."
Source : Bacon (Francis), Entretiens avec Michel Archimbaud, Paris, Jean-Claude Lattès, 1992.
 
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Réactions: CouleurSud
Quel bonheur de voir Alechinsky dans ce fil :zen::zen::zen:
Rabisse :coucou:

Cet artiste est encore, selon moi, assez mal étudié. L'ouvrage de référence fut écrit par Édouard Jaguer (avec qui il collabora étroitement notamment dans le mouvement Cobra), ce qui ne permet pas à mon sens un regard critique et distancié. Certes, l'ouvrage est intéressant mais pas suffisant.

On devra attendre, et c'est une très mauvaise habitude en histoire de l'art, sa mort pour voir apparaître des études rigoureuses et critiques.

Je résiste pas à rajouter 2-3 oeuvres :siffle:

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Puisque nous sommes chez Cobra

Asger Jorn. Le droit d'aigle (1950)

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Dialogue Alechinsky/Pollock ou le dépassement de la marge/problématique du cadre.

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Pierre Alechinsky, le théâtre et son double.

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J. Pollock, The Key.

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P. Alechinsky

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J. Pollock.

Bon, pas le temps de faire un petit texte, mais la confrontation (pacifique) m'a l'air assez intéressante...


Pour rebondir sur Asger Jorn, (CouleurSud :coucou:), tu trouves des liens étroits toujours avec de fameux Pollock?

Night Sounds, vers 1944, Huile sur toile, New York, The Pollock Foundation.
(Désolé, j'ai pas trouver l'image sur internet, et je suis en panne de scan. Voir EMMERLING Leonhard, Jakson Pollock, Khöln, 2003, Taschen, p. 47.
 
en marge des marges...



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Bram Van Velde. Fox - Amphoux. 1959.



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Bram Van Velde. Sans titre. 1947.


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sur Bram Van Velde lire absolument ces deux livres:

Charles Juliet. Rencontres avec Bram van Velde. Fata Morgana. 1978. (ré-édité chez P.O.L en 1998).

Roger Laporte. Bram Van Velde ou Cette petite chose qui fascine. Fata Morgana. 1980.

de Roger Laporte et de Charles Juliet, on peut tout lire aussi...
deux écrivains exigeants qui parlent de la difficulté d'écrire...


:) .


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Max Ersnt artiste majeur du dadaïsme et du suréalisme.



L'elephant celebes, 1921 Les prémices du réalisme.
Inspiré de silo à grain, et d'élépants.
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Oedipe rex
1922, on y retrouve les grande idées du suréalisme, principe de collage, d’association d’idées, de formes.

« Si c’est la plume qui fait le plumage ce n’est pas la colle qui fait le collage » M. Ernst lui même.

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Deux enfants sont menacés par un rossignol. 1924 , éléments dessinés, d’autres ajoutés en matière, afin de former un assemblage.
Une remarque est faite a Max, il dessine très souvent des oiseaux.
En fouillant dans sa mémoire il se rappel avoir était marqué par la mort d'un oiseau le jour même de la naissance de sa sœur. (idée de laisser place a un nouveau être vivant).

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Ubu imperator. 1923/24 (?)

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Ernst essaye de mettre en place de nombreuses techniques afin de mettre en oeuvre son imagination, il concrétise la technique du frottage (principe de décalquer une piéce de monnaie en repassant dessus avec une feuille et une mine)
Il remarque en premier lieu une forme sur le parquet usé qu'il se met a reproduire.
Par la suite il use de la même idée en disposant des cordes, des ficelles sur une table afin d'obtenir des formes aléatoires qu'il reprend a sa façon:

L'ange du foyer 1937
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La porte de saint denis. Une porte qui a était calqué.

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Par la suite il effectue des "collages" a base de plusieurs éléments "décalqué", dans le principe du cadavre exquis,
Le cadavre exquis a bu tout le beaujolais nouveau.


Collotype
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Le Dessin & l'Urgence:
-Simplifier la texture de la matière mais respecter sa densité et son poids.
-Déployer simplement l'espace et les volumes (le modeler) par la simple variation de la pression du crayon.
-S'adapter à la nécessité de douceur qu'impose le sujet par le toucher sur le papier, la main suit docilement l'oeil qui cherche à comprendre et arpente (où et par quoi commencer).
-Dialogue entre la forme et le fond (le fond dessine la forme ou la forme dessine le fond)... entre la lumière et l'ombre (qui des deux donnent naissance à l'autre, où et quand?)
-Etablir la structure, indiquer la priorité, donner sa lecture, apprendre (de quoi ai-je besoin, que-dois je garder?)
-Quel est mon urgence?... urgence dans le dessin qui dure jusqu'à aujourd'hui!

Jean Auguste Dominique Ingres Mme Victor Baltard & sa fille Paule :zen: