Mais sur l'ensemble de la production, il y a réellement matière à ressentir une certaine filiation entre
Bacon & Freud
outre le rapport obsessionnel au corps, à la nudité, à la chair,
la prédominance des portraits dans leur oeuvre et l'amitié qui les unissait,
je crois que presque
tout les sépare... :siffle:
Bacon tente un travail de
défiguration des corps et non de représentation.
il travaille sur la dislocation et le mouvant, l'instable et le décalage,
le glissement et le brouillage par translation ou
shuttering
(les chairs semblent en mouvement et comme animées).
chez Bacon, le corps est
athlétique.
pour isoler le corps, Bacon le circonscrit dans un contour, un cadre, une structure filiforme,
un cercle (ce que Deleuze appelle "le rond", "la piste"), un ovale, un cube...
isoler le corps, c'est lui enlever ses fonctions
narratives.
ensuite, l'aplat coloré qui isole la figure.
chez Bacon comme chez Manet, tout est plat.
il n'y a pas de reliefs ou d'aspérités.
pas de profondeur.
uniquement des instants brouillées.
des zones de déformation en mouvement.
c'est comme si la figure tentait de vouloir s'extraire ou de s'échapper de ce qui l'emprisonne et la définit.
s'extraire du contour qui isole.
s'échapper de l'aplat coloré.
et elle le fait avec une certaine violence, dans des mouvements incessants et agités.
ici, les corps tentent de s'échapper pour pouvoir exister.
Francis Bacon. study for head of Lucian Freud. 1967.
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à l'inverse, Freud tente un travail de
figuration des corps.
donc, de représentation.
les corps de Freud tendent vers une
hyperréalité par recouvrement successif.
traitement expressionniste de la matière.
fluidité de la touche.
couleurs blafardes.
lumière froide sur des chairs lourdes et flasques.
il y a dans cette peinture une recherche obsessionnelle de la précision.
cela débouche sur une très grande expressivité.
et cet afflux de matière crée une "inquiétante étrangeté".
pour figurer le corps dans l'espace, Freud travaille les plongées ou contre-plongée,
en créant des points de vue, des mises en perspective et des jeux de diagonales.
il enferme ses corps dans des intérieurs minimalistes.
pour les isoler, il les pose sur une surface plus claire (drap, amas de linges, lit, divan ou parquet...).
il n'y a pas de structure.
pas de rond ou de piste, ni d'aplats qui isolent le corps.
les corps sont simplement figés, comme épuisés, souvent allongés ou endormis.
laissés à l'abandon.
dans des postures à la limite de l'indécence (Courbet).
il y aurait du Jean Rustin et du Francis Gruber dans cette peinture
(palette verdâtre, misérabilisme, exhibition des corps, intérieurs évidés...)
chez Freud, le corps ne tente pas de s'échapper.
il est simplement posé dans ce territoire qui le défini.
Lucian Freud. Francis Bacon. 1952. huile sur métal. 7.8 x 12.7 cm. Tate Gallery.
Lucian & Francis.
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