Bon si celéà vous intéresse :
Socca, socker puis soccer
L'affaire tire ses bases de l'origine même de ce sport, du moins dans sa version moderne, post-soule. Au milieu de XIXe siècle en Angleterre, de jeunes étudiants prennent l'habitude de se réunir après les cours pour taper dans une balle sur un terrain rectangulaire, avec deux buts à chaque extrémité. Les règles sont floues voire inexistantes, jusqu'à ce lundi soir historique du 26 janvier 1871, où les responsables de onze clubs naissants se réunissent dans un pub londonien appelé Freemasons' Tavern, afin de s'entendre sur la manière de jouer. Ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Les débats sont passionnés, mais une majorité des personnes présentes s'entendent sur deux points d'un règlement édicté dès 1848 à l'université de Cambridge (les « Cambridge Rules » ) : le « hacking » , ou contact entre les joueurs lors d'un regroupement, est prohibé, de même que le fait de porter le ballon à la main sur le terrain, hors les gardiens. La « Football Association » est née, désignant à la fois le sport et la Fédération censée garantir le respect des règles et organiser les confrontations entre équipes.
Sauf que des onze clubs présents à la Freemasons' Tavern ce fameux 26 janvier 1871, l'un d'entre eux, Blackheath, s'oppose particulièrement à ces règles, par le biais de ses dirigeants et notamment un certain Francis Maude Campbell, qui s'insurge : le football doit être un sport de contact et non d'évitement, il faut autoriser le « hacking » ! À la sixième réunion de la Football Association (FA), son club et lui décident de se retirer et d'entrer en dissidence. D'autres clubs rejoignent bientôt le mouvement et le 26 janvier 1871, au restaurant Pall Mall de Londres, une autre Fédération est créée par 19 clubs au total, avec de nouvelles règles. Son nom ? La Rugby Football Union (RFU). Football Association contre Rugby Football. Les deux cohabitent avec ces noms si proches. Tellement proches que, pour ne pas confondre, certains pratiquants finissent par adopter des diminutifs. La légende veut que ce soit des étudiants d'Oxford en 1889 qui aient les premiers pris l'habitude d'appeler le premier « socca » , contraction du terme « association » . Puis vers 1895, le « socca » devient « socker » ou « soccer » , par habitude de l'époque de rajouter un « er » à la fin de certains mots en argot. D'ailleurs, « rugby » se dit aussi beaucoup « rugger » dans le même temps.
Un mot d'argot entré dans le langage commun
Voici donc où on en est quand, de l'autre côté de l'Atlantique, les immigrés débarquent avec un ballon dans la valise et cette curieuse mode de taper dedans au pied. Ils appellent ça le « football » et disent que ça commence à faire fureur en Angleterre et bientôt dans le reste de l'Europe. Mais problème : un autre sport assez différent existe déjà sur place et s'appelle aussi « football » . C'est ce que nous autres appelons aujourd'hui football américain. Il s'est popularisé sur les campus de la côte Est des États-Unis et du Canada et ses règles sont édictées dans le courant des années 1870, inspirées du jeu pratiqué à la fac de Boston, avec le ballon porté à la main et les contacts autorisés. Pour distinguer le « football » né aux USA dans les années 1870 du « football » anglais importé par la population immigrée à partir de la fin du XIXe siècle, les pratiquants, observateurs et journalistes décident de prendre le terme argot du second, bien que ce ne soit à la base pas un vrai mot. Ce qui, d'ailleurs, ne manqua pas de provoquer l'ire des Bernard Pivot de l'époque. Szymanski a ainsi ressorti des archives une coupure du New York Times où l'auteur demande à ses collaborateurs de cesser d'utiliser ce mot qui n'en est pas un. Il ne sera pas entendu et le terme « soccer » s'impose irrémédiablement en Amérique du Nord, contrairement à l'Angleterre, où il n'est d'abord resté qu'un mot seulement utilisé à l'oral, avant de disparaître définitivement dans la seconde moitié du XXe siècle. Raison principale : il n'y a pas de confusion possible avec un autre sport. En tout cas, que les hatersaméricains du soccer en soient définitivement convaincus : non, « soccer » n'est pas un dérivé de « sucker » .