premier point:
accuser Apple et Google(Android), hormis pour faire un joli titre, de TUER le jeu vidéo est un abus.
Apple n'a jamais particulièrement visé la transformation du marché du jeux vidéo, et Google n'était pas une part de tout ça.
Cependant, je note 3 événements :
1- la Wii de Nintendo
2- Facebook
3- Apple et son 99 centimes l'application.
(à mon sens l'impact de android sur le jeux vidéo est négligeable, c'est une plateforme qui ne rapporte rien à l'industrie, elle n'a donc pas changé les moeurs. Bien sur linux en lui même est un chouette outil pour créer de NOUVELLES machines, c'est donc une opportunité pour des constructeurs, comme Nvidia. Mais peu d'impact sur le métier de l'édition de jeux. Du coup pas grand chose à en dire.)
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1, la wii, excellente machine, a donné le tournis à plus d'un éditeur. Il y a eu de la casse. violente. Là où pour Nintendo ce n'était qu'une période de + pour vendre des wii (vous remarquerez que la wii U vous vend un AUTRE style de jeu et c'est PAS UN HASARD), pour d'autres éditeurs c'était la vision du futur :
un Futur glorieux où on pouvait vendre des jeux artistiquement moins cher, plus simple, vite produit et touchant un public gigantesque et familial.
Travaillant en université, j'ai vu des conférences faites aux étudiants en infographie leur disant que l'avenir c'était faire des jeux rigolos pour papa-maman. Et non je n'exagère PAS le ton. (je suis certainement même moins cynique que les intervenants).
Vision à très court terme, mais les jeunes artistes/développeurs et entrepreurs y sont broyés.
Nintendo a quitté tout ça d'ailleurs. La wii u est un autre matériel, style de jeu, avec son écran tactile et les wii-motes seulement en à coté. Nintendo est passé à vous vendre un "autre jeu de société" avec son kit. Et la 3DS elle se vend très bien, loin de la casualisation.
Nintendo a elle même critiqué la commodisation des jeux, voyant bien que c'était néfaste à terme à son commerce de machines.
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2: Facebook
L'avènement terrifiant du social gratuit à millions de gens prêt à payer des petites sommes dérisoires et une poignée (estimée à quelques centaines/milliers par jeux sociaux, pas +) prêt à déverser près de 80% du revenu de ces jeux. (imaginez qu'une poignée de gens y mettent des milliers d'euros par jeu)
Ca a des effets terrifiant. Facebook a prouvé la valeur commerciale du freemium et surtout sa faisabilité technique. Ne me dites pas que c'est pas le premier, blablabla. Ce qui compte c'est que ce fut massif, avec Farmville. A partir de là, vite il fallait faire PAREIL.
Le freemium est absolument destructeur de valeur.
- le jeu ne peut pas se rembourser au début, alors qu'il y a eu des coûts (le studio de développement, ses employés, le qualité-service, etc). Cela rend difficile l'investissement en travail artistique sophistiqué, en profondeur de jeu, etc.
- le jeu n'est PAS gratuit. Freemium signifie "gratuit à payer tout le temps". Le jeu doit donc vous pousser à payer. Il le DOIT. Un jeu Freemium est donc construit sur la FRUSTRATION.
Chaque étape agréable de ces jeux doit donc être courte (les premières étapes sont + longues pour vous appâter), suivie de périodes, toujours + longues, de tâches barbantes, vous promettant bientôt une progression et à nouveau un peu de cool. Le tout déguisé bien sur (vive les schtroumpfs).
Détestez vous tant que ça vos enfants pour les soumettre à "My Little Pony", où la moindre de leurs copines favorites et ses amies sont constamment derrière des heures d'attentes, du GRIND (répéter en boucle des taches BASIQUES), et un rappel constant du "mais il suffit d'avoir des geeeemmeuh pour obtenir tout de suite !" et en plus le jeu encourage à harceler autour de soi pour être "social" et gagner de la monnaie (!).
Est ce que vous vous rappelez ce qu'est l'enfance ? L'impatience chronique. Ces jeux sont punitifs.
- ces jeux deviennent tous identiques.
Ils utilisent des trésors d'ingénierie sociale et d'outils psychologiques pour vous maintenir intéressé.
Bien au delà d'un jeu payé à son achat et via un abonnement constant. (l'argent d'un abonnement donne une raison aux auteurs pour ne pas avoir à vous pourrir la vie).
Ces outils sociaux et psychologiques reposent sur des mécaniques bien comprises, bien appréhendées et donc tous ces jeux finissent par optimiser au maximum leur efficacité et donc tous faire pareil.
Un jeu freemium ne peut justifier d'énorme budgets. Mirage aux alouettes, il est sujet à la mode: il leur faut avoir un public massif pour fonctionner (récupérer des informations vendables pour pub, obtenir assez de masse pour dans le tas avoir des gens qui paient beaucoup).
Donc masse de joueurs mais petit budget : jeu universaliste, parlant à tous et à personne en particulier : banal.
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3: Apple et le 99c
quand Apple présenta le App Store, il y a eu aussi la présentation de segment de prix.
Apple a été observé et suivi. Quand Apple vend Pages à 9,99 sur iOS, cela signifie :
"9,99 est le prix MAX pour un traitement de texte ou tout logiciel de bureautique"
point barre.
Apple peut se permettre de faire des logiciels et les vendre à des prix ridicules, son argent vient du MATERIEL. Le logiciel est subventionné par son activité matérielle.
(et cela a finit par faire tâche et exaspérer les Etats. du coup, sur un plan comptable, maintenant on paie une partie du logiciel ou service logiciel lors de l'achat d'un appareil ios. je suppose qu'un jour ça sera pareil avec le mac)
Que ça soit le 9,99, le 4,99 et le 0,99 qui furent présentés, le système de grille de prix commençant à 0,99 (0,79 en $ à l'origine) avec incrément de $1 pour les petits prix, a donné un signal à toute l'industrie : atteindre le 99c.
La dictature du jeu à 99 centimes détruit toute la valeur de l'industrie. Vous ne pouvez pas vivre de la création de beaux jeu soignés à 99c la copie.
Non ce n'est pas possible et vous le voyez bien.
Pour un
http://supergiantgames.com (Bastion, Transistor, qui sont bien de la trempe de jeux comme Secret of Mana, ou Zelda), vous avez un gazillion de pressions économiques pour faire que du petit jeu à 99c.
Les acheteurs sont agressifs avec des jeux à $4,99, se plaignant que c'est trop cher, alors que ce sont des jeux qu'il n'y a pas si longtemps auraient été vendu 40 euros.
De fait, ces productions sont bridées. Le studio est fragile, son économie est faible. Et tôt (ou très tôt) il se vendra à un gros éditeur (EA ou Ubi, what else?) pour deux scénarios possibles :
- le joli : monter en gamme vers la console de salon/PC et faire des jeux à leur plein potentiels avec un budget confortable et un prix de vente décent, faire quelques grands titres, puis au bout de 4,5 ans, les séries seront confiées à un autre studio, leur studio sera démonté, tout le monde viré, mais avec sur leur cv de grands titres faits et bien vendus.
- l'horrible : être acheté pour continuer sur mobile en valorisant leur bonne réputation et patte artistique pour du casual social freemium à pub et frustration puis être honni par toute personne saine, puis l'équipe démantelées au bout de 2 ans.
Aucun studio n'a été pérenne ! Aucune création de nouvelle entreprises à long terme dans cette industrie !
Pop Cap qui était une des meilleures (plants vs zombies par exemple), avec de la qualité, a été vendue à EA
http://techcrunch.com/2011/07/12/confirmed-ea-buys-popcap-games-for-750-million-plus-earn-out/
Parce qu'il est impossible de croitre et bâtir au long terme dans un modèle qui pousse de force à 99c
Et enfin, plus polémique :
http://www.youtube.com/watch?v=xo9cKe_Fch8
présentation par Steve Jobs en 2008 de l'app store.
Il est applaudi quand il dit que les Apps gratuites seront entièrement prises en charge par apple, pas de frais pour le développeur (hormis les 99$ annuel pour avoir accès à l'app store lui même et les forums/tutoriels d'apple)
Ca a une conséquence néfaste :
il est le + optimum et rentable de faire un gratuit que de faire un payant.
Un payant, y a 30% qui vous est pris sur la vente.
Un gratuit, avec lequel on va se démerder pour gagner des sous indirectement, c'est 100% pour bibi.
C'est pour cela que très vite Apple a commencé par sortir sa propre régie de pub, par imposer des limites aux "in app" et exiger d'être partie prenante de tout achat/abonnement pré-construit dans l'app (le in-app doit passer PAR Apple et donc PAR le 70/30% ).
Parce que sinon,c'était un coup à être envahi encore plus qu'actuellement par de l'app gratuite merdique avec paiement/pub/exploitation de l'utilisateur à outrance. C'était économiquement le plus optimum pour garder tout le revenu.
(et hors sujet, mais je maintiens que la presse d'information gratuite ne donne que des résultats pervers et a rendu la vie infernale pour les professionnels du secteur. Metro en était précurseur).
Personnellement, j'aurais imposé un coût de base sur chaque vente au développeur, même pour du gratuit.
Bien entendu, dans mon plan radical maléfique, j'aurais aussi imposé que l'App Store ne soit pas exclusif.
Il faut bien comprendre que l'app store paie l'hébergement, le débit, la mise en avant (ou pas) dans les rubrique de l'app store etc.
Avec un app store non exclusif, certes les développeurs auraient pu partir faire du gratuit-pourri sans Apple, MAIS les frais divers auraient été à leur charge et sans le soutien d'une entreprise géante comme Apple. Cela aurait donc donné encore un certain équilibre et l'app store serait encore un acteur de poids.
Mais bon.. Apple n'est PAS concerné par un monde du logiciel sain et pérenne. Apple est concerné par la vente de ma-té-riel. Ils ont donc enlevé tout tracas aux développeurs/éditeurs pour nourrir les ios.
Mais cela a eu des effets induits.
(beaucoup + à dire, sur tous les autres points mais c'est déjà trop là)