Il est difficile à double titre d'intervenir sur ce fil avec la musique que je vais vous présenter.
D'une part parce qu'il s'agit de musique dite "classique" qui n'est pas très présente ici et donc que je peux apparaître comme un snob. D'autre part parce qu'il s'agit d'un compositeur archi-connu (Vivaldi) et que finalement cela peut apparaître à rebours comme du conformisme culturel.
En effet, il reste toujours très difficile de parler de musique "classique" car cette musique, à ses dépens, revêt encore cette fonction : celle de légitimer une certaine classe sociale qui l'écoute (bourgeoise) dans ses goûts forcément "bons" - alors que la masse aurait forcément des goûts vulgaires et bas (le rap est actuellement une des cibles fréquentes de ce genre d'attaque) - et que si cette fonction légitimante a pu être critiquée maintes et maintes fois y compris par de grands intellectuels, il n'en demeure pas moins que cela demeure quoiqu'on y fasse. Regardez "Radio Classique" qui annonce dans ses pubs : "Musique et économie". On y parle classique et cours de la Bourse. Tout est dit !
Lorsqu'on est pas issu de cette classe sociale, mais qu'on a pu être éduqué à cette musique, on peut se faire taxer de snob en révélant son goût pour elle, au sens où le snobisme serait une tentative d'imiter une forme d'aristocratie mais sans jamais pouvoir l'atteindre. Autrement dit "la caque sent toujours le hareng" ou "le cul du berger sentira toujours le maquis", selon qu'on le dise version nord ou sud...
Je vous ennuie avec mes considérations, mais j'ai longtemps gardé de façon très intime mon éducation classique et mon goût, non pour le "classique" en général ce qui ne veut rien dire (je m'ennuie à crever avec presque toute la musique symphonique du XIXème siècle), mais pour des œuvres. Cela dit j'ai un plus grand attrait pour la musique du XVIIème et du XVIIIème siècle que l'on classe sous le terme de "baroque" (avant Mozart), mais les classifications ne valent que ce qu'on veut bien leur donner comme valeur...
J'ai longtemps tu ces goûts et cette éducation. Je les ai tenus secrets.
L'âge et l'expérience venant, je me sens mieux à même de vous en parler.
La musique dite classique est une musique du domaine public et donc si bien entendu le compositeur est fondamental, l'interprète l'est tout autant. Car il est un vrai médiateur, un passeur, qui peut nous conduire à la découverte, à l'émotion ou au contraire nous éloigner d'une œuvre. En un sens, une interprétation est une re-création.
Je voudrais vous faire découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas le contre-ténor Andreas SCHOLL et son interprétation d'un morceau du Stabat Mater de Vivaldi. Andreas Scholl est pour moi l'un des plus grands contre-ténor contemporains. Cette interprétation du "Cessate, omai cessate" du Stabat Mater est pour moi magnifique (orchestre : Ensemble 415 - Chiara Bianchini - édité chez Harmonia Mundi - 1995). Parce que Scholl y met une retenue toute "germanique" (il est allemand) et évite les tonnes d'effets que l'on a tendance à balancer sur Vivaldi. Car Vivaldi c'est de la musique baroque, flamboyante, imagée, et que ses interprétations ont tendance à pousser cela à l'absurde en en rajoutant des tonnes. Vivaldi à ce train-là, ça peut vite devenir la "grosse variète du classicos". Du genre "Les 4 saisons" en musique d'attente au téléphone. Insupportable !
Sans connaître la partition, je pense que Scholl s'en est tenu aux seuls ornementations vocales demandée par Vivaldi. Rendons aussi hommage au travail de l'ensemble 415 en symbiose avec les intentions de Scholl.
Ce qui nous donne un rendu à la fois très sensible mais tout en retenue, comme si celle-ci, paradoxalement, permettait de faire ressortir toute l'émotion du texte musical. Car le Stabat Mater est une musique sacrée (Stabat Mater Dolorosa : la douleur de la mère du Christ se tenant au pied de la croix). Et que Scholl nous suggèrerait ici que Vivaldi, malgré l'incandescence "jouissive" de sa musique, était aussi un homme de piété (là c'est moi qui risque cette interprétation).
Maintenant je me la boucle.
Ecoutez :
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