Bac 2016: taux de réussite record avec 88,5% d'admis
Bon, allez, trop c'est trop, j'me fais plaisir et lâche le morceau. :jimlad:
Expérience (forcément limitée) d'un correcteur du Bac pro en Français et Histoire-Géographie.
Comment corrige-t-on ? Avec indulgence, sinon laxisme ? Non, pas du tout. On obtiendrait au mieux 70 % de réussite par ce biais. Atteindre les neuf dixièmes de candidats reçus exige un vrai travail, un effort soutenu, une stratégie cohérente digne du défunt Gosplan et poursuivie sur le long terme. Et surtout, une passation rigoureuse des consignes…
Par exemple, l'inspecteur responsable de la discipline peut EXIGER des correcteurs qu'ils restent dans le centre de correction tant que tous les paquets n'ont pas atteint une note minimum. En cas de moyenne trop basse de son lot (une trentaine de copies), le correcteur concerné est censé les reprendre, mais en fait ce sont les collègues coordonnateurs qui s'en chargent et cherchent comment refiler quelques points ici et là, jusqu'à ce que la moyenne attendue soit atteinte. Personne n'est censé rentrer chez soi tant que ce n'est pas fait. Inutile de dire que le correcteur qui s'aperçoit qu'il a plusieurs copies blanches ou presque blanches dans son paquet commence très tôt à baliser. On râle bien un peu, on lève les yeux au ciel… Puis on fait le boulot, un peu pour ne pas avoir d'emmerdements, beaucoup pour ne pas laisser la corvée aux collègues (le paquet dont un correcteur a refusé de remonter les notes sera forcément repris par quelqu'un d'autre qui se farcira le boulot à sa place). Commentaire, il y a quelques années, de l'inspecteur/inspectrice au moment du bilan, après qu'on avait largement remonté les paquets de copies aux plus faibles moyennes : "Vous voyez bien que ce n'est pas si mal !". Ben, forcément…
Toute copie à 5/20 ou moins doit faire l'objet d'une double correction. Spontanément, on se débrouille donc pour mettre un peu plus de 5 au copies qui auraient mérité 4 ou 4.5, ou juste 5 tout rond, histoire de gagner du temps. Est-il possible de mettre un 0 ? Oui, en théorie, sauf qu'on va voir que c'est en fait un peu compliqué en pratique…
Les consignes pour le français cette année étaient les suivantes. Toute question pour laquelle le candidat a rédigé une réponse, même en charabia, même totalement à côté de la question, doit recevoir un demi point au moins. Imaginons une question à trois points portant sur les procédés argumentatifs dans un discours de Victor Hugo. Un candidat absolument non-francophone, arrivé d'Albanie ou du Népal il y a quelques mois, répond en recopiant un paragraphe du texte sans aucun rapport avec la question. Un autre candidat, facétieux et gourmand, révèle au correcteur la vraie recette italienne des pâtes à la Carbonara (surtout pas de crème !). Cela vaut 0,5 points dans tous les cas. Le même procédé appliqué systématiquement tout au long de la copie (quelques questions sur des documents d'appui, plus un exercice de rédaction d'une quarantaine de lignes au plus) garantit presque à tout candidat qui a compris qu'il fallait absolument rédiger quelque chose, laisser une trace écrite, n'importe laquelle, de ne pas avoir moins de 5/20. En gros, on paie l'encre… L'anarchiste qui se fout ouvertement du correcteur en racontant n'importe quoi peut s'approcher de la moyenne si sa copie, quasiment sans aucun rapport avec les questions posées, est malgré tout rédigée en français, même très fautif. Une copie en télougou ou en wolof pourrait-elle avoir 0 ? Oui, si le correcteur est un peu coriace, pas brimé par les coordonnateurs, et que le devoir ne comporte aucune citation pertinente des documents. Si l'une de ces conditions manque, c'est tout bénéfice pour le candidat.
Mais les fautes, on en tient bien compte tout de même ? Oui, mais pas trop : les consignes de correction attendent des candidats une langue "globalement correcte". "un lang glauballe mantkorekts", ce n'est pas globalement correct. "Une langue globalleman correct", c'est globalement correct (il n'y a pas que des fautes après tout et le sens global reste compréhensible).
En gros : "Allez, faites pas chier les profs : les pontes de l'institution, recteurs et ministre en tête, veulent pouvoir la ramener devant les caméras et les micros, style 'Le Bac 2016 est un bon cru !'. Alors, corrigez à la louche et vous serez vite rentrés chez vous. C'est pas comme si la question du sens de votre métier se posait, hein ? Si vous la jouez 'prof révolté en lutte contre le Système', un autre larbin fera le sale boulot à votre place".
Sur les copies que j'ai corrigées cette année, seuls les candidats qui avaient rendu copie blanche ou s'étaient découragés en cours de route et avaient renoncé à la rédaction ont eu moins de cinq. Comme les correcteurs sont aussi naturellement amenés à surnoter, par compensation, les copies correctes, avec du contenu et une langue pas trop calamiteuse, le résultat final ne peut être que bon. J'ai triché un peu : je n'ai pas montré toutes mes copies à 5/20 en vue d'une double correction qui les aurait sans doute remontées d'un demi ou d'un point. Je suis un petit rebelle. Tout petit. Mais c'était peut-être la fois de trop. Notamment parce que le résultat est que les élèves qui ont bossé sérieusement toute l'année pour décrocher l'examen se retrouvent au bout du compte avec la même fausse monnaie en poche que ceux qui ont dormi en cours toute l'année. Lors d'un entretien d'embauche, je ne serai pas dans leur dos pour signaler qu'un tel a mérité son diplôme tandis qu'un autre est un glandeur fini qui ne venait au bahut que pour dealer du shit. Ceux qui persistent à dire que le Bac est après tout un Smic culturel ont au moins vingt ans de retard : le Bac, c'est plus le Smic, c'est de la monnaie de Monopoly.
Tout ça finira mal.
- DIRTY "TEACHER" HARRY : Nous n'allons pas vous laisser saloper l'examen comme ça.
- THE VILLAINS (laughing) : "Nous ?". Qui ça "nous" ? Tu es tout seul mec !
- DIRTY "TEACHER" HARRY : Smith, Wesson et moi.
BOUM !
:dead: :dead: :dead:
