Ça peut sembler fou, mais pour qui connaît un peu les armes de guerre c'est du bon sens. Une munition de FAMAS a une porté de 3200 m (source ministère de la défense), à l'armée on m'a appris que la munition était encore mortelle à 1500 m. Une balle perdue dans une ville comme Paris ne l'était sûrement pas pour tout le monde.
Il y a des groupes d'intervention spécialisés pour ce genre de situation, B.R.I., R.A.I.D., G.I.G.N., ce n'est pas de la compétence du 3e R.I.Ma. ou du 27e B.C.A.
Oui, ce sont des faits à rappeler. Mais je pense qu'ils ne suffisent pas à dissiper le malaise, comme tu le signales d'ailleurs en conclusion de ton post.
Les groupes d'intervention sont eux aussi équipés en armes tirant de la 5,56 ou de la 7,62 alors que, GIGN mis à part, leur capacité à maintenir une stricte discipline de tir et éviter les balles perdues n'est pas forcément transcendante, si l'on en croit du moins certains récits ou le visionnage des vidéos disponibles sur les assauts survenus ces dernières années. Lors de l'assaut sur la cache de Saint-Denis, environ 1500 balles auraient été tirées par les forces de l'ordre et il y a eu quantité de balles perdues. La BAC a reçu récemment des G36 sur le motif qu'ayant à affronter des individus équipés d'armes de guerre, ils doivent en disposer également. Compte-tenu du nombre de victimes de chaque tuerie, le risque des balles perdues semble négligeable par rapport à la nécessite de renforcer la capacité de riposter des forces de l'ordre.
Au Bataclan, la logique de respect strict des consignes et des attributions de chacun (refus d'intervention des militaires présents du fait des ordres reçus, refus de prêter leurs Famas aux policiers qui le demandaient pour riposter avec une arme un peu plus puissante que leur arme de poing) a peut-être conduit — pour autant bien sûr que les récits à ce sujets soient plus que des rumeurs —
à des situations absurdes. C'est l'éternel dilemme relaté par Kleist dans
Le Prince de Hombourg : jusqu'où devons-nous pousser le principe d'obéissance aux ordres lorsque ceux-ci nous semblent dépassés par les circonstances ?
Il y a surtout une vraie difficulté à penser la nature de la menace. On aurait pu imaginer qu'un ou deux attentats suffiraient à rappeler aux décideurs le sens des réalités, à supposer que celui-ci leur ait manqué initialement. Manifestement, tel n'est pas le cas. On ne peut pas faire face à des fous suicidaires pour lesquels une tuerie de masse est un accomplissement en soi avec des mesures simplement "raisonnables" et "modérées", relevant en fait de la routine policière et administrative. La Préfecture nous explique que l'accès à la Promenade des Anglais était sécurisé (voitures bloquant la chaussée) et que le camion du tueur "a forcé le passage en montant sur le trottoir". N'était-il pas envisageable qu'un véhicule monte sur le trottoir ? Etait-ce un scénario de science-fiction impliquant des moyens hors norme et des capacités surhumaines ? Non : cela a été fait parce que c'était envisageable sans peine et réalisable sans effort. Avec un homme seul au volant d'un véhicule civil comme on en trouve partout. Il était parfaitement possible de placer des blocs de béton pour sécuriser réellement le passage contre toute tentative d'intrusion en force (et d'autres barrages de blocs sur le parcours même de la Promenade, afin d'éviter qu'elle puisse être prise en enfilade sur plus d'un kilomètre). Un attentat aurait toujours été possible, mais il aurait exigé plus de moyens, une planification plus poussée, des compétences plus fines que celles mises en œuvre le 14 juillet : "Je loue un camion ; je repère le parcours ; arrivé en vue du barrage, je tourne le volant, je monte sur le trottoir, j'appuie sur l'accélérateur et je fonce".
Ce que l'on peut et doit reprocher aux responsables chargés de gérer ces situations de crises, ce n'est pas leur incapacité à penser l'impensable. C'est leur incapacité à penser le pensable en dehors de la routine à laquelle ils sont accoutumés. C'est le résultat du conseil que l'on donne aux élèves de toutes les grandes écoles, aux candidats de tous les concours, et qui est le maître-mot de la réussite aux postes de responsbilité du public comme du privé : ne soyez surtout pas original. Si, au cours d'une réunion de responsables, on vous dit que l'accès sera sécurisé par la mise en travers de véhicules de police, ne demandez pas ce qui est fait pour empêcher que l'on monte sur les trottoirs ou que l'on roule en continu tout au long du parcours. Vous passerez juste pour le chieur de service qui voit tout en noir et cherche à tout compliquer. Essayez seulement d'insister et on vous crucifiera pour avoir brisé l'unanimisme du groupe.