coup de coeur/de pompe littéraire

Bon ben moi je continue avec Voltaire et son "Siècle de Louis 14" (tome 2). A la médiathèque ils m'ont indiqué que l'ouvrage n'a été emprunté que deux fois en 10 ans (dont l'emprunt de bibi) et a échappé de peu au pilon. Il n'est d'ailleurs pas présent dans La Pléiade.

Voltaire semble fonctionner de manière thématique pour son histoire. Ce second tome narre toutes les batailles menées par Loulou avec ses voisins : l'Europe était sans cesse en guerre. Les périodes de paix les plus longues n'ont duré que... deux ans !
Avec des moyens qui paraissent aujourd'hui rudimentaires, ils arrivaient tout de même à se faire des combats d'une journée à 20 000 morts. Pas mal, non ?

Voltaire assimile ces troubles à une sorte de guerre civile européenne permanente car tous les régnants de l'époque formaient une seule et même famille. Le gendre vire du trône le beau-père, les beaux-frères s'attaquent entre eux, le neveu veut reconquérir les territoires ravis par l'oncle etc.
Ce que met clairement en évidence Voltaire c'est le prix terrible payé par cette politique de grandeur voulue par Loulou le quatorzième, et la cruauté mise en œuvre pour l'affirmer, notamment par le ministre Louvois. Cette "grandeur française" qui s'est à mon sens poursuivie avec Napoléon et jusqu'à De Gaulle d'une certaine façon. On en a souvent trinqué dur pour ça...

Enfin je pense que Voltaire a raison lorsqu'il dit que les traités de paix sont signés non pas à l'issue de savants calculs politiques mais surtout lorsque les nations sont épuisées de guerres, écœurées de massacres et lasses des combats. C'est la fatigue qui pousse à la paix, plus vraiment la politique.
 
Louvois, qu'exècre Saint Simon, d'ailleurs.
Certes, Saint Simon déteste de nombreuses personnes mais pour Louvois, c'est du sérieux.

Tu vas finir par me donner envie de le lire aussi :)

Si lire la totalité des Mémoires du petit duc est un peu long (j'y vais à un rythme très syncopé ;)), la lecture du tableau du règne est un bon résumé et je pense que ça doit se trouver dans l'édition Folio des extraits. Cela peut faire un petit contrepoint à ta lecture du moment.
 
Saint-Simon. J'en ai lu également un petit peu (des extraits). Faudrait que je m'y remette un jour. Truculent. Une sorte de "closer" de l'époque, sans les photos mais rudement mieux écrit. :D
Je me souviens que St-Simon y rapporte une phrase prononcée par la reine à propos d'une des maîtresses de Loulou (laquelle ? je ne sais plus) : "Cette pute me fera crever". Terrible !
 
Bien sûr on ne lira jamais "tout".

Mais il est des livres dont on entend beaucoup parler, à tel point qu'on finit presque par croire qu'on les a lu. Julien Gracq affirme d'ailleurs dans ses "Carnets du grand chemin" qu'il pourrait exister une forme de lecture en creux, une sorte de négatif de la lecture active faite par son absence même. Il est de ces livres dont on sait, après une longue vie de lecteur, qu'on ne les lira jamais mais la masse des commentaires et des citations faites à leur sujet finissent par en apporter une forme de connaissance.

Je n'ai ni assez de recul ni assez de volume de lecture pour pouvoir juger de la validité de cette proposition inédite, mais qui doit détenir un fond de vérité.

Je viens plus simplement de faire l'expérience de deux ouvrages célèbres, jugés chacun dans leur catégorie comme des textes majeurs.

Le premier "Gatsby le Magnifique" de Fitzgerald. Malgré tout ce que j'ai pu en entendre dire, rien n'en remplace l'expérience littéraire. C'est un chef-d'œuvre. Je ne vais pas vous raconter l'histoire, d'abord parce que vous la connaissez et ensuite parce que, retransmise par moi, vous auriez l'impression d'un scenario de téléfilm. Ecrit par un autre que Fitzgerald, c'est certainement ce que cela aurait donné d'ailleurs.

Dans un tout autre registre "Cahiers d'un retour au pays natal" d'Aimé Césaire. Et là rien à faire. C'est sans nul doute un texte puissant, mais je n'ai pas réussi à rentrer dans cette écriture. Peut-être pour plus tard. Il y a des âges pour certains textes.
 
Bien sûr on ne lira jamais "tout".

Mais il est des livres dont on entend beaucoup parler, à tel point qu'on finit presque par croire qu'on les a lu. Julien Gracq affirme d'ailleurs dans ses "Carnets du grand chemin" qu'il pourrait exister une forme de lecture en creux, une sorte de négatif de la lecture active faite par son absence même. Il est de ces livres dont on sait, après une longue vie de lecteur, qu'on ne les lira jamais mais la masse des commentaires et des citations faites à leur sujet finissent par en apporter une forme de connaissance.

Je n'ai ni assez de recul ni assez de volume de lecture pour pouvoir juger de la validité de cette proposition inédite, mais qui doit détenir un fond de vérité.

La magie des coïncidences : je n'avais pas lu ton post quand j'ai posté dans celui des bouquins lus 3 fois au moins à propos du bouquin de Bayard: "comment parler des livres qu'on n'a pas lus" dont ce que tu dis est précisément un des sujets majeurs :zen: Tu devrais le regarder :D
 
De Pierre Bayard j'ai lu "Le plagiat par anticipation" et j'ai trouvé ça franchement moyen, très moyen voire pas bon. Ça tourne en rond et ce n'est pas très bien écrit.

Autant s'intéresser aux écrits de Queneau et ses amis, nettement plus roboratifs.
 
De Pierre Bayard j'ai lu "Le plagiat par anticipation" et j'ai trouvé ça franchement moyen, très moyen voire pas bon. Ça tourne en rond et ce n'est pas très bien écrit.

Autant s'intéresser aux écrits de Queneau et ses amis, nettement plus roboratifs.

De fait, "le plagiat par anticipation", je l'ai aussi, est nettement moins bon : l'idée est un peu tirée par les cheveux et il a eu du mal, à mon goût, à tirer le fil (comme tu dis, il tourne un peu en rond), mais tous les bouquins d'un même auteur ne sont pas forcément au même niveau. Celui sur les livres que l'on n'a pas lus est, au moins à mon goût, vraiment bien plus intéressant et beaucoup plus riche : il y avait matière.
 
bonjour

j'espère que cela n'e sera pas considéré comme un troll
(est-ce le mot qui convient ?)
quelqu'un a-t 'il lu le dernier béchamelle ?

je serais curieux de connaitre l'avis des (éventuels) lecteurs
 
Il doit bien y avoir des gens qui l'ont lu. En dépit du peu de sérieux apparent de l'auteur.
 
Non seulement un bon bouquin, mais en plus, une mise en abîme du sujet :
"En lisant en écrivant" de Julien Gracq

Où comment un écrivain parle d'autres écrivains, non pas de leur biographie mais de leur manière d'écrire, des couleurs de leurs livres.

Jetés au fil des pages, des paragraphes brefs : une page ou deux, souvent bien moins qui portent à chaque coup. De quoi se poser des questions sur notre façon d'aimer les livres (ou de ne pas les aimer), de les admirer sans les aimer ou de les aimer sans les admirer.

C'est jubilatoire à chaque page, chaque fois que je reprends ce bouquin (et plus généralement les recueils de textes courts de Gracq), je craque et au lieu d'une page, je lis trois bouquins. (D'ailleurs, sur ce coup, j'ai voulu lire quelques pages de "Lettirnes" et je me suis retrouvé à lire "Lettrines", puis "Lettrines 2" qui parlent de livres mais aussi de paysages et de bien d'autres choses, puis "En lisant en écrivant" spécifiquement sur les livres. J'essaye bien d'en sauter des morceaux, mais j'ai du mal !

Seul point qui pourra gêner certains : il parle quasi-uniquement de "classiques", disons jusqu'à la guerre de 39-45 mais c'est un bijou.

(Et en plus, il me pousse à lire ou relire Stendhal que je connais mal ! si au moins il se bornait à parler des bouquins que je connais à peu près :D)

La critique littéraire à son plus haut.
 
évidemment, si l'on parle de gracq lorsque je fais allusion à béchamelle…
…on ne joue pas dans la même cour.
gracq n'avait pas une épouse cantatrice; que je sache !
 
Gracq est un fervent admirateur de Stendhal [il a choisi le prénom de son pseudonyme en hommage à Julien Sorel]. Pour autant, ça n'a pas réussi à me faire aimer ce dernier.

Gracq est un classique, maintenant. En tout cas, il est de ces écrivains qui viv(ai)ent loin du bruit et de la fureur du monde littéraire et/ou médiatique.
 
bonjour

j'espère que cela n'e sera pas considéré comme un troll
(est-ce le mot qui convient ?)
quelqu'un a-t 'il lu le dernier béchamelle ?

je serais curieux de connaitre l'avis des (éventuels) lecteurs

J'ai jamais rien lu de lui. En fait le personnage médiatique est tellement déplaisant que ça ne me donne pas envie, mais alors pas envie du tout, de le lire.
Par contre j'ai vu son film, par hasard il y a quelques années à la télé à une heure tardive, et si ses bouquins sont du même tonneau, ça promet ! :D

---------- Nouveau message ajouté à 13h27 ---------- Le message précédent a été envoyé à 13h17 ----------

Gracq est un fervent admirateur de Stendhal [il a choisi le prénom de son pseudonyme en hommage à Julien Sorel]. Pour autant, ça n'a pas réussi à me faire aimer ce dernier.

Gracq est un classique, maintenant. En tout cas, il est de ces écrivains qui viv(ai)ent loin du bruit et de la fureur du monde littéraire et/ou médiatique.

Peut-être le "dernier des classiques" d'une certaine façon. Une écriture ciselée, les thèmes de la rêverie et de la perte (perte des civilisations, abandon...) qui sont récurrents, sa reconnaissance par les surréalistes (amitié avec Breton) sans jamais avoir fait partie d'eux non plus. Gracq était géographe de formation (normalien) et de fait excelle dans cet art perdu de la description mais sans jamais verser dans le didactisme pesant. "La Forme d'une ville", à propos de Nantes, est l'un des plus beaux livres que j'ai pu lire sur une ville.

C'est un écrivain que je lis et relis régulièrement depuis que j'ai entamé, il y déjà pas mal de temps, "Le Rivage des Syrtes". A mettre en lien avec "Sur les falaises de marbre" d'Ernst Jünger, écrit vers la même époque et qui traite du même thème : l'effondrement inéluctable d'une cité, et qui provoqua la rencontre des deux écrivains (cela dit le reste de ce que j'ai pu lire de Jünger ne m'a pas plu, sans compter son côté trop "germanique exalté" à mon goût).
 
De lui (BHL) j'ai lu deux ou trois livres il y a déjà quelque temps, dont La pureté dangereuse, qui en soi n'est pas inintéressant. Nul doute qu'il puisse avoir de bonnes intuitions ou un certain niveau d'écriture. Cela n'en fait néanmoins pas un grand philosophe, voire pas tant un philosophe qu'un "simple" polémiste.

D'une manière générale, la plupart de ces (plus ou moins) philosophes que l'on a pu voir ou entendre fréquemment ces dernières décennies n'ont pas tant une pensée qu'une visibilité médiatique. Certains restent plus intéressants que d'autres et BHL me paraît un des moins intéressants de tous.

Il y a d'autres philosophes en France et, bien évidemment, ailleurs, et ils sont un peu occultés par ces faiseurs.

---------- Post added at 14h38 ---------- Previous post was at 14h29 ----------

Peut-être le "dernier des classiques" d'une certaine façon. Une écriture ciselée, les thèmes de la rêverie et de la perte (perte des civilisations, abandon...) qui sont récurrents, sa reconnaissance par les surréalistes (amitié avec Breton) sans jamais avoir fait partie d'eux non plus. Gracq était géographe de formation (normalien) et de fait excelle dans cet art perdu de la description mais sans jamais verser dans le didactisme pesant. "La Forme d'une ville", à propos de Nantes, est l'un des plus beaux livres que j'ai pu lire sur une ville.

C'est un écrivain que je lis et relis régulièrement depuis que j'ai entamé, il y déjà pas mal de temps, "Le Rivage des Syrtes". A mettre en lien avec "Sur les falaises de marbre" d'Ernst Jünger, écrit vers la même époque et qui traite du même thème : l'effondrement inéluctable d'une cité, et qui provoqua la rencontre des deux écrivains (cela dit le reste de ce que j'ai pu lire de Jünger ne m'a pas plu, sans compter son côté trop "germanique exalté" à mon goût).
Je m'autorise un désaccord sur cette formule de "dernier des classiques". Il se trouve que l'on a toujours un "dernier des classiques" sous la main. Il suffit qu'il soit mort peu auparavant.

À chaque vieux pianiste qui passe la main, on a droit à cette ritournelle (le prochain sera Pollini, peut-être bien). Il y a aujourd'hui des écrivains qui écrivent avec cette même exigence stylistique et formelle, dans leur style bien évidemment. J'ai peut-être tort mais je considère que, à sa façon, Jean Échenoz (définitivement mon écrivain francophone (vivant) préféré) est tout à fait classique. Par ailleurs je partage ton point de vue sur La forme d'une ville (et je ne suis pas Nantais ;)).

Quant à Herr Jünger, il est au-dessus de mes forces de lire un livre de lui. Je cède sans doute aux stéréotypes mais tant pis : il représente une bonne part de ce qui me révulse dans l'Europe du siècle passé. L'Europe allémanique plus particulièrement. Je reste attaché à un autre pan de la culture de langue allemande (genre Robert Musil, Hermann Broch et d'autres).
 
c'est une idée, ça; lire gracq
en fait, je le connais assez peu.
je n'ai lu (il y a longtemps) que deux livres de lui:
- un balcon en forêt
- la littérature à l'estomac
j'avais plutôt aimé
il est peut être temps que je m'y remette…
merci
 
Gracq était géographe de formation (normalien) et de fait excelle dans cet art perdu de la description mais sans jamais verser dans le didactisme pesant.

En plus, il dit du bien des Causses, de l'Aubrac et plus généralement des hautes terres du Massif Central, de quoi me pousser à l'encenser avec mauvaise foi s'il était besoin. :D

Son acquis de géographe est effectivement un gros plus qu'il sait toujours utiliser au service d'une certaine poésie plus que du didactisme ("Les eaux étroites" par exemple mais aussi "Un balcon en forêt"). Je lisais hier soir des pages où il reparle des lieux où il a situé "Un balcon en forêt" mais aussi de l'ïle Batailleuse en face de chez lui. Et j'espère que sortira un jour prochain l'ébauche de roman d'où est extrait "La route", un roman qu'il avait abandonné mais dont "la route" m'a toujours fait rêver et m'a aussi frustré !

"l'étroit chemin pavé qui conduisait sur des centaines de lieues de la lisière des Marches aux passes du Mont-Harbré - la dernière ligne de vie, vingt fois tronçonnée et ressoudée, qui joignait encore par intervalles le Royaume à la Montagne cernée et lointaine"

Non, ce n'est pas "le Seigneur des anneaux" :D

Mais on peut (ce n'est évidemment pas mon cas !) ne pas aimer Gracq version romancier. Mais Gracq en critique littéraire, même pour ceux qui n'aiment pas ses romans, ça devrait être lumineux.

(Bon, la prochaine fois, je vous parle de Jacques Borel, rien à voir avec les restoroutes !) mais il faut que j'évite de commencer à le relire, celui-là aussi ! :D)

P.S. Je ne sais même pas qui est Béchamelle mais, promis, j'essaierai de savoir :D