Thème imposé : l'enfance.
Pas de limite min ou max du nombre de caractères.
Mots à inclure :
- Alouette
- Champignon
- Miroir
- Rabot
- Schtroumpf
Jusqu'au 15/11/2020 vers 20h30.
La Princesse Oubliée
Un bruit sec tira Paul de sa rêverie...
Le petit garçon de dix ans s'était assoupi dans sa chambre, peu après son déjeuner, en lisant un livre de contes parmi ses préférés...
Une
alouette donnait des coups de bec dans la vitre...
Paul la fit entrer un instant, le temps de retirer de la patte de l'oiseau le message qui y était accroché. Le petit garçon savait que ses interlocuteurs trouvaient dépassés les pigeons voyageurs, et qu'ils étaient persuadés d'avoir innové en changeant d'espèce d'oiseaux.
Paul ne tarda pas à s'équiper d'un ceinturon, d'une épée en bois et d'une cape avant de dévaler l'escalier de la maison jusqu'au rez-de-chaussée, pour expliquer à la hâte à ses parents qu'il voulait faire un tour vers la cabane du grand jardin...
Il arriva rapidement à la cabane, jeta fièrement un regard au
rabot et autres outils dont il s'était un jour servi pour confectionner son épée, puis compléta son équipement d'une besace qu'il conservait généralement en ces lieux.
Puis, derrière la cabane, il utilisa comme d'habitude le passage secret qui le conduirait jusqu'au fond des bois...
Un gros
champignon, puis tous les autres...
Il était arrivé au village des schtroumpfs.
Paul fut accueilli par le comité d'accueil habituel, au sein duquel trônait le Grand Schtroumpf.
Paul expliqua que l'alouette avait transmis le message selon lequel un parchemin mystérieux était arrivé au village des schtroumpfs. Selon le chef de la petite tribu, l'examen de ce document devait mettre tout le monde à contribution, jusqu'à solliciter l'avis du meilleur apprenti-chevalier qu'ils connaissaient.
Paul accepta le propos flatteur en souriant, et lut le parchemin en médiocre état, sur lequel la date n'apparaissait plus.
Une princesse appelait à l'aide. Elle était retenue captive dans un château dont l'entrée était gardée par un dragon... L'emplacement du château n'était pas clairement mentionné, la princesse le situant simplement "à la frontière de la Forêt de la Nuit Éternelle et des Montagnes Célestes"...
Paul décida de partir sur le champ, pour s'envoler -littéralement- jusqu'à trouver le château en question.
" - Mais je croyais que c'était une lég... " Un
schtroumpf manifestement trop bavard fut sommé par ses petits congénères de s'interrompre immédiatement, et il ne put finir le mot entamé.
Le Grand Schtroumpf ordonna au Schtroumpf Costaud d'accompagner Paul.
Paul et son petit garde du corps embarquèrent sur le dos d'un aigle royal géant, lequel s'envola tout de suite en direction de mystérieuses contrées...
En chemin, le Schtroumpf Costaud affirma qu'il pensait trouver assez facilement le château, dont il avait déjà entendu parler...
Paul et le lutin bleu survolèrent les plus grands arbres que le petit garçon ait jamais vus. Puis Paul vit enfin les plus hautes montagnes qu'on pût imaginer...
Malgré l'heure peu tardive, le ciel était presque noir, et Paul devina qu'il devait souvent en être ainsi par ici...
Enfin, apparut à leurs yeux un grand, sombre, et terrifiant château qu'on l'eût dit sculpté dans le granit...
Du vert le plus foncé également, un immense dragon gardait en effet l'entrée, battant parfois un peu des ailes, et crachant fièrement du feu en direction de qui voudrait s'approcher de trop près...
Paul estima que le dragon ne les avait pas vus, et que la meilleure approche consistait à survoler aussi discrètement que possible l'arrière du château, pour tenter d'y pénétrer par le toit, puis par le grenier...
Ainsi fut-il fait, et l'aigle exécuta un passage aussi silencieux et précis que possible au-dessus du toit, par l'arrière de l'impressionnant édifice...
Paul et le schtroumpf sautèrent sur le toit du château... Ainsi que Paul l'avait espéré, ils trouvèrent une voie d'accès jusqu'au grenier...
Malgré la fenêtre entrouverte dépourvue de volets par laquelle ils étaient entrés, Paul et le schtroumpf progressaient dans la pénombre, entourés d'objets anciens et de quelques toiles d'araignées...
Paul dégaina son épée en bois.
Le petit garçon vit enfin une silhouette féminine, assise sur un fauteuil et lui tournant le dos... Une silhouette de femme dans une robe bleue, et non de petite fille de son âge comme il l'avait espéré...
Se préparant à se présenter comme apprenti-chevalier venu à son secours, Paul se dit qu'il détestait les ongles de la princesse, bien trop longs et fort mal entretenus... Puis il constata avec horreur qu'il ne s'agissait pas de ses ongles mais de ses doigts... Et il ne put complètement réprimer un cri de terreur en constatant que le visage de la princesse se résumait désormais à un crâne, et le reste de son corps à un squelette...
Sur la robe et aux pieds de la dépouille princière, Paul distingua malgré la pénombre des parchemins sur lesquels il reconnut l'écriture de l'appel au secours examiné au village des schtroumpfs...
Paul en conclut que le message leur était parvenu trop tard... Beaucoup trop tard... De plus, l'endroit ne semblant briller ni par sa lumière ni pas la vie qui s'en dégageait, le petit garçon se dit qu'il était désormais grand temps de fausser compagnie à celui qui semblait le seul à vivre ici: le dragon.
Ayant volé dans les parages quelques minutes, l'aigle royal géant glissa une nouvelle fois dans les airs jusqu'à s'approcher le plus près possible du toit, d'où Paul et le schtroumpf sautèrent, se recevant habilement sur le dos de l'immense oiseau...
Au moment de s'éloigner, Paul crut sentir la chaleur du feu craché par le dragon... Mais il eut malgré tout le courage de se retourner pour voir à une fenêtre l'éclat d'un
miroir, qui seul brillait dans la maigre clarté de ces lieux...
L'objet était tenu par la plus ravissante petite fille de dix ans que Paul aurait pu imaginer dans ses rêves, elle aussi vêtue d'une robe bleue... Elle affichait un timide sourire, et tendait son index droit à la verticale de sa bouche, son autre main tenant encore le miroir...
Le Schtroumpf Costaud dit à Paul que le geste du doigt de la petite fille les invitait à garder le silence. Seuls Paul et les schtroumpfs étaient dignes de confiance pour garder le secret.
Le vaillant lutin bleu avoua à Paul qu'il ne lui avait jusqu'alors pas tout dit.
Autrefois, une jeune princesse fut enlevée par un mystérieux ravisseur, et détenue dans un château gardé par un dragon. Puis la princesse et son ravisseur tombèrent amoureux, et vécurent finalement heureux en ces lieux isolés. La princesse appréciait même de vivre loin du Monde, échappant ainsi aux obligations de son rang, pour lesquelles elle n'avait jamais manifesté de réel intérêt. Ils eurent une descendance, dont la petite fille à la robe bleue aperçue par Paul représentait la plus récente génération.
Le château semblait plus désert qu'il l'était réellement, quelques personnes appréciant d'y vivre tout autant que leurs ancêtres...
La dépouille de la première princesse, morte de vieillesse, avait été conservée "en l'état" pour terrifier les importuns songeant à investir l'endroit par le grenier...
Et le dragon, depuis fort longtemps apprivoisé, dissuadait d'autres gêneurs de s'approcher de l'entrée principale...
Sitôt que l'aigle atterrit, Paul rédigea en ces termes le rapport de mission qu'il remettrait au Grand Schtroumpf:
"Une sombre contrée, manifestement oubliée par le soleil lui-même.
Des arbres gigantesques et si nombreux qu'à leurs pieds un voyageur ne connaitrait jamais que la nuit.
Et des montagnes tellement immenses qu'on n'en peut voir que le pied, le reste se perdant dans les nuages.
Aucun château.
Et la princesse n'existe pas. Ou elle n'existe plus.
En ces terres désolées et hostiles, nul ne pourrait survivre. Sauf peut-être un dragon."
Paul et le lutin bleu rentrèrent au village des schtroumpfs, et Paul remit son rapport au Grand Schtroumpf, qui félicita l'auteur du document après en avoir pris connaissance.
Paul écarquilla les yeux et ouvrit silencieusement la bouche, stupéfait en entendant la conclusion du Grand Schtroumpf, prononçant sourcils froncés:
" - Parfois, la mission sacrée d'un chevalier est de voler au secours d'une princesse. Parfois, sa mission sacrée est de foutre la paix aux princesses. En les laissant vivre où elles le souhaitent, de la manière leur convenant le mieux. "
Puis, cette fois-ci en souriant, le chef de la tribu se fendit d'un ultime conseil à l'apprenti chevalier:
" - Les seules princesses qu'il faut secourir sont celles qui le souhaitent."
Paul rentra chez lui un peu tard, sa mère lui faisant remarquer qu'il arrivait presque en retard pour le dîner, et de surcroit aussi sale que s'il revenait d'un long et périlleux voyage...
Avant que Paul aille se changer et se laver les mains, son père lui demanda comment s'était passé cet après-midi au fond du jardin, vers sa fameuse cabane...
Ne sachant trop quoi dire, Paul finit par simplement répondre en ces termes:
" - Bof... Plus ou moins comme d'habitude... "