Et si on refaisait l'histoire de l'art?

  • Créateur du sujet Créateur du sujet antoine59
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Comme ça, pour dire : je reviens au titre de ce fil, dont une partie semble totalement ignorée des participants (dommage) : histoire.
Ce que j'aurais aimé voir c'est, essaimé au long des contributions, des liens vers l'histoire (avec h, avec H, comme on voudra) : histoire des techniques, histoire des sciences, histoire politique, histoire régionale, histoire nationale etc.
À mon sens, c'est différent d'une énumération d'oeuvres datées, même chronologique.

Par exemple : Umberto Boccioni est futuriste. Ce mouvement lui a survécu (il est mort en 1916) et a eu un lien assez fort avec le mouvement puis pouvoir fasciste italien.

Personnellement, je trouve que l'on a un peu trop tendance à dissocier les diverses activités humaines, ce qui aboutit à une vision un peu tronquée.


je ne crois pas que cette dissociation ait été négligé dans ce fil mais simplement omise.
on peut rattacher l'oeuvre d'art à son contexte politique et historique. on peut établir les conditions matérielles de l'émergence d'une oeuvre ou d'un mouvement artistique dans son époque.
on peut signifier ces relations comme tu le fais à propos du facisme et du futurisme...
mais, d'une façon globale: c'est du domaine de l'historien.
 
Comme ça, pour dire : je reviens au titre de ce fil, dont une partie semble totalement ignorée des participants (dommage) : histoire.
Ce que j'aurais aimé voir c'est, essaimé au long des contributions, des liens vers l'histoire (avec h, avec H, comme on voudra) : histoire des techniques, histoire des sciences, histoire politique, histoire régionale, histoire nationale etc.
À mon sens, c'est différent d'une énumération d'oeuvres datées, même chronologique.

Par exemple : Umberto Boccioni est futuriste. Ce mouvement lui a survécu (il est mort en 1916) et a eu un lien assez fort avec le mouvement puis pouvoir fasciste italien.

Personnellement, je trouve que l'on a un peu trop tendance à dissocier les diverses activités humaines, ce qui aboutit à une vision un peu tronquée.

Je suis bien d'accord avec toi. Mais, dans mon précédent post, j'ai mis l'histoire de l'art en relation avec celle de la philosophie. Boccioni connaissait les travaux de Bergson, notamment, Matière et mémoire (1896).

Ce que j'ai voulu montrer (comme dans mon post sur Severini, avec l'histoire des sciences), c'est, précisément, les liens qui se nouent entre diverses régions de l'histoire, liens qui font qu'un peintre est bien représentatif d'une époque historique déterminé, qu'il peint son temps ou l'esprit de son temps.

Boccioni est un intellectuel et, pour moi, le véritable théoricien du mouvement futuriste. Beaucoup plus que Marinetti, l'auteur du Manifeste de la poésie futuriste (1909) qui est un illuminé qui rejoindra effectivement peu à peu Mussolini. Boccioni est à l'initiative du Manifeste des peintres futuristes (1910) signé par Balla, Severini, Russolo, Carrà. En outre, Boccioni était plutôt marxiste;).
 
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Réactions: bompi
:up:LHO

Umbert Boccioni. Dynamisme d'un corps humain (1913)

img022jv4.jpg


Il s'agit de la présentation d'un dynamisme, celui d'un corps-matière. Mais ce qui importe essentiellement à Boccioni, c'est le dynamisme. Ici, le mouvement n'est pas représenté par divers instantanés prélevés sur une succession et mis en séries dans le tableau, comme dans le Nu descendant un escalier de Duchamp. Le mouvement n'est pas reconstitué avec des images-instants. C'est l'inverse. C'est la matérialité du corps qui surgit du dynamisme qui l'habite.

Boccioni croise les recherches de Bergson pour qui tout est durée. La matière elle-même est durée. La durée peut avoir divers degrés de contraction et de dilatation. A l'extrême de sa dilatation, elle s'éparpille en multiples instants, elle se fait espace. L'espace n'est pas autre que la durée. Il est une durée extrêmement ralentie.

Ce que réalise Grégory Chatonsky semble se rapprocher de cette recherche sur l'espace et le temps, mais d'une tout autre manière. Dans un entretien avec Dominique Moulon, il dit, à propos des images de la série Read Only Memories (2002) : "cette série de photographies part d'une intuition très simple : le cinéma soumet l'espace au temps. J'avais envie d'inverser ce processus". Donc, recomposer le temps par l'espace. Mais, ceci ne veut pas dire qu'il ferait ce que critique Bergson, un retour au "mécanisme cinématographique de la pensée" qui ne restitue le temps que comme un mixte de durée et d'espace. Ainsi parle-t-il des images de Fenêtre sur cour. Ce ne sont pas des images cinématographiques. Elles n'existent pas, car elles ne sont que suggérées (dans Fenêtre sur cour, on ne voit jamais le décor en entier, c'est la conscience du spectateur qui le construit comme tel). C'est un traitement du temps propre au cinéma qui permet à ces images d'exister.

dans matière et mémoire, bergson parle de la dualité entre l'image et le mouvement.
pour deleuze: l'image est le mouvement.
l'image est ce qui agit et réagit.

ensuite, l'image est matière.
et il peut y avoir des mouvements dans la matière...

edit: et le mouvement n'est qu'une conséquence du temps...
 
dans matière et mémoire, bergson parle de la dualité entre l'image et le mouvement.
pour deleuze: l'image est le mouvement.
l'image est ce qui agit et réagit.

ensuite, l'image est matière.
et il peut y avoir des mouvements dans la matière...

edit: et le mouvement n'est qu'une conséquence du temps...

Non. Il dépasse cette dualité. La matière est image. Mais la matière n'est pas autre que la durée. Donc, il y a une identité image/durée si on considère la multiplicité des durées. C'est d'ailleurs ce qu'éclaire bien Deleuze dans Le Bersonisme.

Et je te le cite dans L'image-mouvement : "nous somme en mesure de comprendre la thèse si profonde du premier chapitre de Matière et mémoire : 1) il n'y a pas seulement des images instantanées, c'est-à-dire des coupes immobiles du mouvement ; 2) il y a des images-mouvements qui sont des coupes mobiles de la durée; 3) il y a enfin des images-temps, c'est-à-dire des images durée, des images-changement, des images relations, des images-volume, au-delà du mouvement même"

Les deux philosophes disent la même chose;)
 
Boccioni est un intellectuel et, pour moi, le véritable théoricien du mouvement futuriste. Beaucoup plus que Marinetti, l'auteur du Manifeste de la poésie futuriste (1909) qui est un illuminé qui rejoindra effectivement peu à peu Mussolini. Boccioni est à l'initiative du Manifeste des peintres futuristes (1910) signé par Balla, Severini, Russolo, Carrà. En outre, Boccioni était plutôt marxiste;).

Boccioni.jpg

boccioni disant non au fascisme.



(toile de boccioni)
 
Aie ! Doublon

Si un modérateur voulait bien réparer, il aurait ma reconnaissance éternelle :D
 
Non. Il dépasse cette dualité. La matière est image. Mais la matière n'est pas autre que la durée. Donc, il y a une identité image/durée si on considère la multiplicité des durées. C'est d'ailleurs ce qu'éclaire bien Deleuze dans Le Bersonisme.

Et je te le cite dans L'image-mouvement : "nous somme en mesure de comprendre la thèse si profonde du premier chapitre de Matière et mémoire : 1) il n'y a pas seulement des images instantanées, c'est-à-dire des coupes immobiles du mouvement ; 2) il y a des images-mouvements qui sont des coupes mobiles de la durée; 3) il y a enfin des images-temps, c'est-à-dire des images durée, des images-changement, des images relations, des images-volume, au-delà du mouvement même"

Les deux philosophes disent la même chose;)

moi, j'aime bien le rythme de deleuze...
:p
(tu reconnaitras que le premier chapître de matière et mémoire est fait d'une matière que la mémoire a du mal à conserver. je parle pour une personne normale. je ne sais pas pour toi...)
:D
 
l'image est le mouvement. l'image est matière.
il peut y avoir des mouvements dans la matière.

le mouvement est une conséquence de la durée.
la matière est de même nature que la durée.

donc l'image est le temps.
 
moi, j'aime bien le rythme de deleuze...
:p
(tu reconnaitras que le premier chapître de matière et mémoire est fait d'une matière que la mémoire a du mal à conserver. je parle pour une personne normale. je ne sais pas pour toi...)
:D

Je t'accorde que c'est difficile de faire pire :D
Mais on en sort grandi :)

Pour revenir à l'histoire, ce qui serait intéressant, ce serait d'essayer effectivement, comme le propose bompi, d'établir des liens entre histoire de l'art et autres régions de l'histoire, ceci pour essayer de faire voir comment l'art appréhende son temps avec ses propres instruments. Par exemple, pour le Futurisme, avec les thèmes de la machine, de la vitesse, de la guerre...
 
Je t'accorde que c'est difficile de faire pire :D
Mais on en sort grandi :)

Pour revenir à l'histoire, ce qui serait intéressant, ce serait d'essayer effectivement, comme le propose bompi, d'établir des liens entre histoire de l'art et autres régions de l'histoire, ceci pour essayer de faire voir comment l'art appréhende son temps avec ses propres instruments. Par exemple, pour le Futurisme, avec les thèmes de la machine, de la vitesse, de la guerre...


mais, avec des recoupements (des coupes transversales, des diagonales mobiles, pour rester deleuzien...), un système de contagion et de glissement...

le thème de la guerre est aussi présent dans l'expressionisme allemand, par exemple...
 
puisque nous sommes passés dans la théorie...
certaines théories disent que l'art est simplement ce qui différencie l'animal de l'homme.
au sens ou l'art (l'ars) signifie étymologiquement "fabriquer"

toute production humaine ou création serait de l'art....
 
la démarche de richard long réfute et nie l'institution puisque l'essentiel de son oeuvre se situe au dehors.

Je ne voudrais pas rentrer dans un débat théorique mais pour une fois... Je ne suis pas d'accord avec ce qui est dit, car Long et les autres ont justement eu besoin de l'institution pour faire connaître et reconnaître leur travail. Notamment par le "retour-terrain" que sont la photographie et la cartographie. Toute reconnaissance est institutionnelle. Qu'elle le soit pour un artiste ou pour n'importe quelle autre activité. L'institution ne se résume pas à un espace : c'est un système de valeurs avant toute chose.

Mais pour revenir au propos de Bompi, auquel je souscris, on pourrait aussi relier le travail de Long à la naissante écologie dans ces années-là. A la prise de conscience de la fragilité de la planète, à la nécessité de refonder une "alliance" avec la Nature. Non ?
 
Je ne voudrais pas rentrer dans un débat théorique mais pour une fois... Je ne suis pas d'accord avec ce qui est dit, car Long et les autres ont justement eu besoin de l'institution pour faire connaître et reconnaître leur travail. Notamment par le "retour-terrain" que sont la photographie et la cartographie. Toute reconnaissance est institutionnelle. Qu'elle le soit pour un artiste ou pour n'importe quelle autre activité. L'institution ne se résume pas à un espace : c'est un système de valeurs avant toute chose.
?

Je suis d'accord avec toi sur ce point, bien que Long a essayer de se détacher au maximum de l'institution. Mais le Land art, notamment avec Walter de Maria, fut souvent "repris" par le musée.

Mais pour revenir au propos de Bompi, auquel je souscris, on pourrait aussi relier le travail de Long à la naissante écologie dans ces années-là. A la prise de conscience de la fragilité de la planète, à la nécessité de refonder une "alliance" avec la Nature. Non ?

Là par contre, je suis pas d'accord :D
Bien qu'à cette époque, l'écologie est en pleine naissance, les artistes du land art ne sont pour autant attacher à cette tendance. Il n'y a pas de conviction écologique dans leur travaux même si Lang est un cas légèrement à part.
 
Je ne voudrais pas rentrer dans un débat théorique mais pour une fois... Je ne suis pas d'accord avec ce qui est dit, car Long et les autres ont justement eu besoin de l'institution pour faire connaître et reconnaître leur travail. Notamment par le "retour-terrain" que sont la photographie et la cartographie. Toute reconnaissance est institutionnelle. Qu'elle le soit pour un artiste ou pour n'importe quelle autre activité. L'institution ne se résume pas à un espace : c'est un système de valeurs avant toute chose.

tu n'as pas lu la suite à propos de richard long...

la démarche de richard long réfute et nie l'institution puisque l'essentiel de son oeuvre se situe au dehors.
on parle de land art, d'oeuvre in situ ou d'oeuvre extérieure.
pour long ce sont des "sculptures de paysage" faites de pierre ou de boue.

quand il présente, à ses débuts, ses "sculptures de paysage" il utilise essentiellement des photographies comme témoin, trace de son action; des cartes géographiques avec ses itinéraires, ses points de localisation et parfois des textes.

plus tard, il interviendra directement au sein de l'institution sous forme d'installations, opérant un puissant déplacement en introduisant ce dehors du monde dans la salle blanche de la galerie ou du musée.

dès lors ses oeuvres deviennent des traces anciennes, des objets énigmatiques et indéchiffrables, des formes primaires: lignes et cercles comme un début du monde, un langage des premiers temps.

une sorte de graphie géologique

edit: je préfère et de loin ses débuts où il fait de l'art en marchant...
 
Il me fait penser à du Land Art dans son genre :

salvation.jpg


Leonard Knight's Salvation Mountain
Artiste complètement barré que l'on aperçoit dans le film "Into the wild".

Bon tout ça parce que j'ai pas retrouvé L'artiste de Land Art qui faisait des oeuvres éphémères juste le temps d'une photo, ses oeuvres n'étaient pas énormes et il utilisait souvent des feuilles et l'eau pour les coller sur des pierres .... ça vous dit quelque chose ?
 
sur le land art et sa récupération, l'art en général et les démarches artistiques en particulier.
à coloquinte...

*****
il faut toujours appréhender un mouvement dans son ensemble (c'est comme les phrases et les mots, on ne peut les séparer de leur contexte).

je rappellerais qu'au tout début du land art (à la fin des années 60) les premières oeuvres produites in-situ ont complètement disparues: pluie et vent...
d'où la nécessité d'avoir une trace.
dans un premier temps, une empreinte photographique.

plus tard, la présentation des oeuvres in-situ apparentées au land art proposait un appareillage critique: la photographie, témoin d'une oeuvre ou d'un processus (le photographique comme surface d'enregistrement du réel); la cartographie des lieux et des endroits qui détermine un nouveau territoire de l'oeuvre et de la pensée: le dehors... enfin, les textes, non comme commentaires ou discours mais comme appendices.
(la vente des photos servait aussi à financer d'autres projets...)

le land art est une expérience des limites et des confins: contrées désertiques, paysages inhospitaliers, lieux inaccessibles et vierges. avec la marche comme principe moteur. la marche avant l'oeuvre comme approche. le temps, non plus celui de l'atelier, mais celui du dehors, de l'espace, de la nature, des éléments…

dans sa démarche et son ensemble et malgré sa récupération institutionnelle, le land art remet en cause le principe de création (le tableau, l'atelier) et de présentation (la galerie, le musée).

de cette récupération, les principaux acteurs du land art: robert smithson (considéré comme le père du land art), richard long, walter de maria ou michael heizer vont s'en servir pour réaliser des "installations".

l'avantage des installations: une meilleur réception des intentions, une confrontation directe avec elles: la pierre, la terre, le sable, le végétal, le minéral... et sémantiquement, un déplacement énorme: faire entrer le dehors du monde (la nature ) dans un espace neutre (la salle blanche du musée, de la galerie...).

le land art trouve des résonance dans les démarches actuelles d'artistes comme: andy goldsworthy, nils udo, ian hamilton finlay, wolfgang laib, giuseppe penone ou paul-armand gette.

*****
forme hybride du land art:

heizer.jpg

michael heizer. rift. 1968.

heizer-exhibs_b-top.jpg

michael heizer. north. east. south. west. 1967-2002.

v
walking.jpg

richard long. line. 1968.

_DSC0077.jpg

richard long. stone line. 1980.

g_landart_1.jpg

walter de maria. ligntening field. 1977.

demaria-exhibs_b-top.jpg

walter de maria. the equal serie 1976- 1977.

spiral_jetty.jpg

robert smithson. the spiral jetty. 1970.

Smithson-Map-of-Glass_l.jpg

robert smithson. map of broken glass. 1969