☞ Absconse production de
macomaniac - par définition indigeste
J'ai personnellement trouvé stimulant l'échange de messages suscité par l'intervention d'
ergu.
Pour y aller de mon petit couplet 'épistémologique'
, je dirais qu'une photo m'apparaît toujours comme un 'paysage' dans une 'fenêtre'. Le 'paysage', c'est ce qui est donné à voir, et comme dans l'art photographique ce 'donné à voir' s'emprunte au contexte de l'expérience, une photo communique toujours une puissante impression de 'réalité'. La 'fenêtre', c'est l'angle de vue du photographe matérialisé dans un cadrage, un filtrage etc. - bref, je prends cette notion de 'fenêtre' de manière assez métaphorique (acception 'étendue') sans la limiter aux limites rectangulaires du cadre de la photo.
Quand donc je suis confronté à une photo, je suis confronté à un 'paysage' qui me communique une impression de 'réalité' dans une 'fenêtre' qui est l'angle même du photographe. Or mon propre esprit a son 'angle' propre (pour ne pas dire ses 'angles' multiples) sur le contexte de l'expérience. Je suis donc mis au défi par une photographie de confronter mon 'angle' à la 'fenêtre' du photographe. Car le photographe me demande de regarder le 'paysage' qu'il me montre par sa 'fenêtre', comme si je regardais par-dessus son épaule pour ainsi dire.
Forcément il n'y a pas superposition a priori, mais décalage des 'fenêtres' de vision. Conflit possible, même, relativement à un contexte de l'expérience reconnaissable (le 'paysage') que j'ai l'habitude de cadrer dans une 'fenêtre' personnelle toute différente.
Je conçois que cela puisse susciter des 'sentiments' (tension, désagrément, hostilité etc. si l'écart a priori est essentiel ; attraction, affinité, délectation etc. si la congruence a priori est prépondérante). Enfin, tous les mixtes affectifs imaginables.
Je conçois tout autant que cela puisse engendrer des 'jugements' (c'est 'beau', c'est 'inintéressant' etc.), parce que notre esprit a une tendance invincible a «
vouloir la vérité», càd. l'«
adéquation» entre 'fenêtre' de l'esprit et 'paysage' de l'expérience - sous peine de rester dans l'état pénible d'incertitude - comme
Descartes le reconnaît magnifiquement. Nous avons donc une tendance à 'juger' (en utilisant le verbe 'être', revendication d'identité entre esprit et choses, 'fenêtre' et 'paysage') qui est la noblesse même de l'esprit humain. Malheureusement, ces 'jugements' que nous sommes enclins à porter par amour pour la 'vérité', nous n'avons absolument aucun levier définitif ('critère') qui nous permette d'en être certains - et, pour échapper à l'inquiétude du 'doute', nous dit encore
Descartes, nous préférons souvent nous «
précipiter» arbitrairement dans des 'jugements' qui ont du moins l'«
apparence de la vérité» et qui nous paraissent préférables à l'«
absence de la vérité».
Car pour connaître la 'vérité', il faudrait que notre esprit puisse sortir de lui-même et se décaler au-dehors à 90° en position de tiers, de 'voyeur', capable de voir 'tel quel' d'une part le 'paysage' en soi, d'autre part la 'fenêtre' du spectateur en soi, pour les comparer et décider de leur «
adéquation». Mais cette revendication d'occuper la position 'tierce' du «
3è homme» est imaginaire, car personne ne sort de sa position propre de 'spectateur' en mode 'fenêtre' (j'imagine que c'est là le dénominateur commun de
plovemax et de
SirDeck).
Étant donné ce pénible état de choses, personnellement j'ai pris une décision tout aussi inconfortable en matière d'
art : j'ai décidé de mettre entre parenthèses la question de la 'vérité' qui me taraude, et de renoncer à 'juger'. En me disant que ce que l'
art me propose relève d'une dimension qui excède le terrain de la 'vérité' et qui est celui de la 'liberté'. La liberté d'
imaginer - activité de l'esprit qui construit des 'fenêtres' de 'paysage' de l'ordre du 'possible', et non pas de l'ordre du 'réel'.
La 'fenêtre' de vision que me propose une photographie, c'est pour moi un défi de la 'liberté' : le défi adressé à mon esprit, qui a de tout autres 'fenêtres', de pouvoir (ou non) 'quitter' ses limites propres pour éventuellement 'entrer' dans la 'fenêtre' de vision d'un autre esprit. Un exercice de l'
imagination, qui ne prétend pas gagner la position 'tierce' du «
3è homme» en terme de 'vérité', mais qui m'engage dans la 'métamorphose', qui est l'«altération» de moi en-dehors de toute assurance de la 'vérité'.
Il y a des 'fenêtres' photographiques qui 'incitent' directement mon goût de l'aventure imaginaire, d'autres pas spontanément - quoique je me dise qu'un simple effort de 'volonté' de ma part pourrait m'engager dans un travail imaginatif de transport vers la 'fenêtre' de l'autre. Finalement, il y a là peut-être une signature toute personnelle : j'ai toujours eu le goût de l'aventure sur le terrain de l'esprit. S'engager dans la «
métamorphose» impliquée par l'abandon de ma 'fenêtre' propre pour accéder à la 'fenêtre' autre - c'est pour moi une 'passion' puissante de la 'liberté', proche de la revendication d'un 'transport extatique', qui me fait accéder non pas à la 'réalité', mais à une sorte de 'sur-réalité'.