Improvisation d'un 1er Mai
momo actuellement à l'affiche des «
Cimaises» et ces phrases de
SirDeck :
En photographie, tout est manipulation, tout est graphie... Ansel Adams considérait le négatif photographique comme une partition musicale, et le tirage comme linterprétation de cette partition.
en voilà assez pour faire remonter en moi le souvenir de cette
composition exposée par
momo naguère aux «
Cimaises» :
Froid/chaud, coupant/reposant : paradoxalement, la géométrie de la figure divise mon regard par son arête verticale médiane et ses lignes de fuite droite et gauche me déportent dans un espace sans merci, par l'abstraction froide de leur gris / le velouté du bleu du ciel et la chaleur des ocres m'invitent à m'avancer vers l'intimité de leur abri.
Il y a quelque chose d'une
charade dans l'image : trouver le
tout de ces
parties contrastantes. Une composition qui m'invite à un travail de transformation du point de vue pour parvenir à l'éclairage exact.
Tout de suite me revient une composition de
Chirico, recadrée et inversée horizontalement par mon imagination ainsi :
Je ne sais plus quel peintre a dit : on ne peint pas sur le motif, on peint sur la peinture. Je choisis ici d'imaginer
momo peindre sur
chirico en photographe-peintre. Ressemblance : géométrie vs teintes. Charade. Je crois la deviner rapidement pour l'image de
Chirico : une seule source d'éclairage (hors champ en haut à gauche) et un double effet : sur les façades de bâtiments angulaires, ricochet froid vers un espace inhabitable / sur le premier plan d'une table et d'un livre dans une embrasure de fenêtre, chaleur veloutée d'un abri intime.
Je suis renvoyé à la composition de
momo. Charade plus difficile. Même source d'éclairage hors champ en haut à gauche. Mais il n'y a pas comme chez
Chirico intérieur chaleureux proche vs extérieur froid lointain (ce qui conforte la vision ordinaire : intériorité douillette du sujet / extériorité urbaine anxiogène) - l'image de
momo convoque la vision au-dehors. Pourtant dans ce dehors se retrouve l'ocre du livre dans ce «
petit pan de mur jaune» qui obsédait tellement le
Bergotte de
Proust dans un tableau de
Vermeer ; et la rougeur tabulaire dans l'ombre orange au cur du bâtiment. Ces ocres, là-dehors - qu'est-ce que c'est donc?
Me vient l'idée de virer la photo de
momo à des tons de gris :
et je comprends que
momo a 'peint' en jaune le pan de mur éclairé et en orange l'ombre du puits ajouré du bâtiment. Ce ne sont pas là les couleurs qu'on peut voir si l'on reste au-dehors, avec l'il qui ricoche contre les surfaces des bâtiments : elles sont 'impossibles' ; ce sont celles qui rayonnent dans le puits de lumière intérieur du bâtiment, à condition que je m'y transporte. Non pas dans la boîte close de ces appartements sans lumière et sans vie, sans intimité possible car équivalant à des cercueils.
Non : dans une cour intérieure transfigurée. Là où mes souvenirs me peignaient les images de cours d'immeubles froides au fond de leurs puits d'ombre, la lumière du jour vient se réfracter dans la chaleur ocre de l'habitable.
Vision méditerranéenne d'habiter. Clôture de murs blancs vers l'extérieur. Cur sans toit : jardin intérieur d'une cour ouverte sur le ciel. Habiter au centre du Monde. Si je m'y transporte, j'échapperai au dehors sans être non plus enfermé dans mon intimité close : j'accèderai à l'Ouvert. Alors, le rayonnement de la lumière ne sera pas blanc et froid, mais ocre et chaleureux. Le ciel ne sera plus incandescent, il prendra l'outremer nocturne de la mer, celui qu'on ne voit qu'en peinture.
La lame verticale qui divise l'image tranche mon front buté avec la rigueur d'ouvre-boîte d'un coup de katana. Je dois sortir de mon abri crânien : c'est au dehors, mais par-delà les façades urbaines anxiogènes, que je vais trouver un centre ouvert sur l'infini : la
cour_vénitienne. Si je m'y transporte, extatiquement, j'aurai l'impression que se renverse la géométrie du monde : tout se recourbera en cercle autour d'un centre ouvert.