Ca me paraît...légèrement simpliste...et des amalgames, tu en fais aussi...djihad, exemple de la doctrine de la guerre? Très, mais très réducteur
Alors, déjà, dans son acception traditionnelle, la guerre sainte ne renvoie pas à un conflit armé dont les motifs sont religieux. La guerre sainte renvoie à lidée de se dépasser soi-même. Avec le Djihad (que lon traduit par Guerre Sainte), lIslam ne fait que souligner une perspective commune à la plupart des civilisations traditionnelles. La petite guerre sainte est dordre extérieur : cest un combat physique plus que moral, livré à lennemi infidèle ou barbare.
La Guerre Sainte est dordre intérieure. Cest un combat mené contre lennemi, que chacun abrite en soi.
La Guerre Sainte permet datteindre une vie métaphysique transfigurée, en contre-partie de la mort physique. Le sang des héros est plus près de Dieu que lantre des sages et les prières des dévots. Lhomme du Jihad ou celui des croisades ont en commun le fait de combattre pour un motif métaphysique.
Ensuite, la doctrine du jihad est liée à une vision géopolitique du monde :
Le monde se partage en deux : les territoires où domine lIslam (Dar al-Islam) et les territoires où il ne domine pas (Dar al-Koufr). Les territoires où ne domine pas lIslam se subdivisent en espaces de la guerre (Dar al-Harb) ouverts au jihad, et en espace de la guerre (Darl al-Ahd) ouverts à la prédication (dawa). Parmi les espaces de la paix ouverts à la prédication, on distingue les pays tributaires (Dar al-Kharadj), les pays amis (France de François Ier..., Dar al-Suhl) et les pays avec lesquels nul traité na été conclu.
Il y a deux mots pour la paix : Salam, qui est la paix entre coreligionnaires, et ahd, qui est la paix conventionnelle, donc révocable, soumise à la décision de lAutorité musulmane douvrir ou de reprendre les hostilités.
Le Dar al-Ahd correspond à la situation dans laquelle le souverain non-musulman accepte la prédication islamique sur son territoire sans exiger de réciprocité.
LIslam ne désigne pas un lieu territorial, mais un lieu personnel. Être musulman suffit pour être membre de lUmma, quelque soit le territoire sur lequel on se trouve. On naît musulman par le père sans baptême, mais les non-musulmans peuvent se convertir. A quel droit les musulmans doivent-ils obéir en pays non-musulmans ? Au droit musulman ou au droit local ?
On peut distinguer les territoires dans lesquels ils sont minoritaires, et ceux dans lesquels ils sont majoritaires. Lobéissance des musulmans à lautorité infidèle nest plus alors légitime. Linsurrection serait légitime par exemple à des fins de sécession. Les Etats musulmans auraient le droit de les soutenir.
En sens inverse, un souverain non-musulman peut-il exiger valablement lobéissance de sujets musulmans ? Il y a deux écoles :
- Les musulmans peuvent obéir au souverain non-musulman à condition que, sous son autorité, lobservation de la loi musulmane soit possible.
- Les musulmans doivent désobéir au souverain non musulman dès lors que sous son autorité, lobservation de la loi musulmane nest plus possible.
LIslam traditionnel recommande au musulman résidant en pays infidèle de partir plutôt que de subir une loi infidèle. Un autre choix serait le communautarisme. Les musulmans devraient bénéficier dun statut particulier. Lacceptation par un musulman dêtre régit par un droit non-musulman peut être apprécié de deux façons : soit comme un acte dhypocrisie, de composition permettant de vivre en paix raisonnablement sous uns autorité non-musulmane, soit comme un acte dapostasie (revirement de lIslam, irtidad).
Concernant le droit
à la guerre (pas le droit
de la guerre, qui est alors les modalités d'engagement et de combats), la personne humaine est inviolable sauf en cas de guerre sainte.
Dans lIslam, la guerre est juste que si elle est sainte, c'est à dire la guerre ordonnée par lautorité politique ou religieuse menée pour une cause politique ou religieuse par des combattants habilités selon les modalités permises et dont la récompense est la rémission des pêchés donc la promesse du Paradis, le combat étant assimilé au martyr. Dans lIslam, il ny a pas de distinction temporel-spirituel, la guerre juste ne peut être que la guerre sainte. Toute guerre qui nest pas sainte est injuste. La guerre sainte doit être livrée avec une intention droite.
Le jihad est décidé par lautorité légitime c'est à dire le prophète, les califes, les sultans, les émirs, et de nos jours les chefs dEtat et de gouvernement. Hier comme aujourdhui, les mouvements radicaux récusent le monopole gouvernemental du jus belli en revendiquant les droits de la belligérance soit contre les régimes accusés dapostasie, soit contre les puissances infidèles accusées dagression.
Le but du jihad est la défense et/ou la propagation de lIslam contre ses ennemis extérieurs, soit infidèles harbi ou kafir, soit dhimmi (soumis à lIslam, mais qui conserve sa religion) ou mustamin (païens, juifs et chrétiens). Les ennemis intérieurs sont les apostats (murtadd), les hérétiques, ou les rebelles quil faut au préalable anathématiser (takfir).
Lautorité étant instituée par Dieu, la rébellion contre lautorité musulmane est une rébellion contre Dieu. Inversement, la rébellion est justifiée contre une autorité musulmane devenue apostat ou hérétique. Cest le devoir de ceux qui ont adopté la parole de Dieu de convertir ou de soumettre ceux qui ne lont pas encore adoptée. Cette obligation durera jusquà ce que le monde soit converti ou soumis à lIslam, c'est à dire à la loi divine : Hakimiyya.
Certains juristes et théologiens ont prôné uniquement le jihad défensif, c'est à dire nautorisant à combattre les infidèles que sils attaquent les premiers. Cependant, la plupart des juristes et théologiens ont adopté le jihad offensif, autorisant à combattre les infidèles même sils nattaquent pas lorsque les circonstances sont favorables.
Position intermédiaire, les radicaux adoptent le jihad récupérateur : ils autorisent le jihad pour récupérer des territoires musulmans perdus suivant le principe que toute conquête doit être irréversible.
Source principale : Cours d'Histoire et Anthropologie de la Guerre, D. Cumin.