Bon ben puisque personne ne s'y met, ben je m'y colle (cf. ma proposition plus haut).
Mon petit commentaire sur cette première œuvre est bien entendu subjectif, tronqué, de mauvaise foi (si vous voulez), pas érudit, lacunaire etc. Enfin il raconte ce que je ressens et ressasse à chaque fois que je la vois, ou même que j'y pense.
J'ai découvert un jour une photo de cette œuvre en feuilletant une encyclopédie par ennui. Je devais avoir 10/11 ans. L'effet fut immédiat. Elle me reste. Elle est très connue. On pourra me taxer d'un manque total d'originalité. J'ai simplement essayé de dire avec mes mots à moi, pas avec ceux du Louvre ou de l'Education Nationale, respectables au demeurant, ce que je ressens.
Tête d’idole des Cyclades (vers 2500 ans av. JC)
Dire l’Homme en si peu, avec une telle économie de moyens : que nous reste-t-il à raconter après çà ? Recueillir le visage pour en dessiner sa Figure, ou mieux : la Figure du Visage. La force de cette œuvre ne réside-t-elle pas dans une double qualité : son universalité et son intemporalité ? Je ne connais rien de ceux qui l’ont façonnée. Je n’ai jamais mis les pieds sur les îles des Cyclades et je connais encore moins leur histoire. Est-ce si nécessaire d’ailleurs ? Cette petite sculpture me raconte ce que nous sommes, ce que vous êtes, ce que je suis dans mon apparence humaine. Apparence, face, surface : par la puissante simplicité de son expression, cette sculpture nous révèle paradoxalement la profondeur qui gît en ce que nous dédaignons trop souvent par le terme de « superficiel ». Paul Valéry ne disait-il pas que la vraie profondeur c’est la peau ?
Cette pierre blanche, cette forme tronquée et aplatie : on pourrait croire à une quasi-abstraction. Et pourtant j’ai la faiblesse de penser que n’importe quel être humain, quelle que soit son origine et sa culture, y reconnaîtrait bien une tête. C’est en s’arrachant ainsi à une figuration trop représentative de ceux qui l’entouraient, les Cycladiques de son époque, que l’artiste a atteint une forme d’universalité. C’est à croire que l’on ne dit jamais mieux les choses que lorsque l’on s’en éloigne. Abstraction / Figuration : voilà une dichotomie dont on nous a rabâché les oreilles des années et qui semble ici voler en éclat.
Alors j’entends déjà des voix me dire : « Qu’est-ce que tu en sais que c’est de l’art ? De la sculpture ? Et si ce n’était qu’un objet de culte ? Le concept d’art existait-il déjà chez les Cycladiques ?»
Moi je veux bien tout entendre. D’ailleurs je ne sais pas si « c’est de l’art » cette tête d’idole multimillénaire, comme on dirait « c’est du porc » en apportant un rôti sur la table lors du déjeuner dominical. Mais je dois vous confesser un truc : je m’en fous. J’ai décidé en toute présomption que c’en était, de l’art, et ça me suffit. Tout comme j’ai décidé que le pseudo travail de Ben Vautier, c’était de la daube. Tiens s’il y a bien un truc que ce branleur de Duchamp nous a appris, c’est quand même notre liberté individuelle totale de décider ce qui « est de l’art » et ce qui n’en est pas…