Et si on refaisait l'histoire de l'art?

  • Créateur du sujet Créateur du sujet antoine59
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matthew barney - cremaster cycle 3
be6aa80.jpg



Il invite dans le troisième opus Aimee Mullins, athlète handicapée pour lui offrir des extensions corporelles animales.

monsieur björk...
:D
artiste narcissique, obsessionnel et complétement déjanté.
univers baroque, hybride qui interroge le corps, l'organique, la sexualité...
métaphores et références à la culture et l'histoire américaine.
oeuvre d'art totale qui convoque tous les styles de la comédie musicale au film de gangster...

aussi sculpteur qui utilise des matériaux organiques comme la vaseline et la cire d'abeille, des matières fluides pour agencer des sortes de pièces de mobilier, des accessoires incongrus et inutiles...

inclassable.
:p

edit: ta légende me fait penser à isabella rossellini infirme et cynique qui exhibe des jambes en verre magnifiques... dans the saddest music in the world de guy maddin.
 
matthew barney - cremaster cycle 3
be6aa80.jpg



Il invite dans le troisième opus Aimee Mullins, athlète handicapée pour lui offrir des extensions corporelles animales.

:up:

monsieur björk...
:D
artiste narcissique, obsessionnel et complétement déjanté.
univers baroque, hybride qui interroge le corps, l'organique, la sexualité...
métaphores et références à la culture et l'histoire américaine.
oeuvre d'art totale qui convoque tous les styles de la comédie musicale au film de gangster...

aussi sculpteur qui utilise des matériaux organiques comme la vaseline et la cire d'abeille, des matières fluides pour agencer des sortes de pièces de mobilier, des accessoires incongrus et inutiles...

inclassable.
:p

edit: ta légende me fait penser à isabella rossellini infirme et cynique qui exhibe des jambes en verre magnifiques... dans the saddest music in the world de guy maddin.

Peintre des métamorphoses

matthewbarneyc4ed1.gif
 
Matthew Barney très très bon choix :zen:
Pour ceux qui n'ont pas le temps ou le courage (:D ) de voir tout le cycle, je vous conseil The Order. C'est une vidéo d'environ 35 min reprenant le cycle Cremaster , durant 35 minutes filmée au Musée Guggenheim.

Il se sert de l'architecture très concrète de Frank Lloyd Wright pour exposer sur les 5 niveaux circulaires, les cinq degrés du cycle correspondant à un nouvel obstacle issu des cinq opus qui sont rejoués métaphoriquement.

De plus, le film peut-être vu en multiangle permettant de passer au cours de l'ascension des 5 niveaux de l'Enteret Apprentice (incarné par Mathew Barney, personnage clé) de l'un à l'autre des niveaux et de découvrir des séquences inédites.
On peut ainsi littéralement se perdre dans la vidéo tout en gardant l'idée d'ascension.

(bon j'avoue, j'ai recopier un de mes post dans le fil "coup de coeur/de pompe":D
 
c'est le dernier jour.
oeuvre_07 sera la tentative d'une description.

plight de joseph beuys. 1985. centre georges pompidou.

*****
une visite au centre.
hier, intérieur nuit.

*****

on pénètre dans un espace fermé.
murs et plafond sont tapissés de feutre.
le feutre se présente sous forme de rouleau.
chaque rouleau est disposé verticalement.
l'ensemble est gris.
le parquet, en bois clair.
il y a deux salles.

la première impression est sonore.
bruits épars qui traversent l'espace comme les nus vites de duchamp.
bruits lointains. indécis.

la seconde impression est physique.
sensation soudaine de chaleur.
sentiment d'oppression.
les murs et le plafond comme rabaissé.
la modification de l'air.
la présence du feutre.

ensuite, vient l'odeur.

nos voix résonnent, déjà absorbées.

_ le feutre est une matière organique.
_ une forme de déchet animal.
_ il isole et sauve.
_ préserve la vie de ceux qui tombent du ciel.
_ le feutre et la graisse.

la première salle est large et vide. elle débouche sur une deuxième salle
où un piano noir est comme posé dans la masse animale.
sur le piano, un tableau noir et un thermomètre rassemblent les vestiges d'une civilisation perdue ou ancienne.

le tableau, surface d'inscription.
le thermomètre, appareil d'enregistrement.

un couple passe devant nous. aveugle.
dans cet espace sensoriel, les perceptions, les comportements et les attitudes
se modifient
comme si l'étouffement se généralisait, confinait à la paralysie.
à l'évitement.

un homme pressé traverse cet espace.
sa présence à peine esquissée est vite absorbée par le feutre.
déjà, son énergie se perd.

la salle redevient vide.

*****
ce piano, serait-il de la même essence que ce monolithe noir qui traverse l'espace d'un film?













ME0000055820_3.JPG



ME0000055819_3.JPG

plight: malchance, complexité.
 
c'est le dernier jour.
oeuvre_07 sera la tentative d'une description.

plight de joseph beuys. 1985. centre georges pompidou.

*****
une visite au centre.
hier, intérieur nuit.

*****

on pénètre dans un espace fermé.
murs et plafond sont tapissés de feutre.
le feutre se présente sous forme de rouleau.
chaque rouleau est disposé verticalement.
l'ensemble est gris.
le parquet, en bois clair.
il y a deux salles.

la première impression est sonore.
bruits épars qui traversent l'espace comme les nus vites de duchamp.
bruits lointains. indécis.

la seconde impression est physique.
sensation soudaine de chaleur.
sentiment d'oppression.
les murs et le plafond comme rabaissé.
la modification de l'air.
la présence du feutre.

ensuite, vient l'odeur.

nos voix résonnent, déjà absorbées.

_ le feutre est une matière organique.
_ une forme de déchet animal.
_ il isole et sauve.
_ préserve la vie de ceux qui tombent du ciel.
_ le feutre et la graisse.

la première salle est large et vide. elle débouche sur une deuxième salle
où un piano noir est comme posé dans la masse animale.
sur le piano, un tableau noir et un thermomètre rassemblent les vestiges d'une civilisation perdue ou ancienne.

le tableau, surface d'inscription.
le thermomètre, appareil d'enregistrement.

un couple passe devant nous. aveugle.
dans cet espace sensoriel, les perceptions, les comportements et les attitudes
se modifient
comme si l'étouffement se généralisait, confinait à la paralysie.
à l'évitement.

un homme pressé traverse cet espace.
sa présence à peine esquissée est vite absorbée par le feutre.
déjà, son énergie se perd.

la salle redevient vide.

*****
ce piano, serait-il de la même essence que ce monolithe noir qui traverse l'espace d'un film?













ME0000055820_3.JPG



ME0000055819_3.JPG

plight: malchance, complexité.

Cette œuvre, Plight, fait une référence explicite à une autre œuvre de Beuys, Infiltration homogène pour piano à queue, qui est l'illustration de l'une des directions d'exploration des multiples signification du ready-made de Duchamp. Le feutre décale le piano du contexte de son usage habituel (instrument sonore de concert) en l'empêchant précisément d'être sonore. Le piano n'est plus qu'un objet brut qui isole le spectateur de son environnement. Mais en même temps, il est aussi ce qui peut le réconcilier avec son environnement ("sauver"). Il est devenu "sculpture sociale", c'est-à-dire objet médiateur susceptible de rendre au spectateur le contact que la production marchande lui a fait perdre avec le monde, de lui rendre son monde.

Il est à noter que lors de sa réexposition de 1985 au centre Georges Pompidou, Beuys a refait en partie cette œuvre. Ceci en reconstituant le feutre usé par les tentatives des spectateurs de jouer sur le piano, ce qui lui restituait son contexte d'usage. Mais au lieu de jeter le vieux feutre, il l'a exposé au côté de l'œuvre d'origine. J'avoue ne pas bien comprendre la signification de ce geste.
 
J'avoue ne pas bien comprendre la signification de ce geste.

En soit, ce n'est pas plus grave -à mon sens- que l'aveu de tous ces spectateurs qui diront ne rien avoir compris à l'œuvre elle même.

Cela n'a -à mon sens- que bien peu d'importance.
 
Cette œuvre, Plight, fait une référence explicite à une autre œuvre de Beuys, Infiltration homogène pour piano à queue, qui est l'illustration de l'une des directions d'exploration des multiples signification du ready-made de Duchamp. Le feutre décale le piano du contexte de son usage habituel (instrument sonore de concert) en l'empêchant précisément d'être sonore. Le piano n'est plus qu'un objet brut qui isole le spectateur de son environnement. Mais en même temps, il est aussi ce qui peut le réconcilier avec son environnement ("sauver"). Il est devenu "sculpture sociale", c'est-à-dire objet médiateur susceptible de rendre au spectateur le contact que la production marchande lui a fait perdre avec le monde, de lui rendre son monde.

Il est à noter que lors de sa réexposition de 1985 au centre Georges Pompidou, Beuys a refait en partie cette œuvre. Ceci en reconstituant le feutre usé par les tentatives des spectateurs de jouer sur le piano, ce qui lui restituait son contexte d'usage. Mais au lieu de jeter le vieux feutre, il l'a exposé au côté de l'œuvre d'origine. J'avoue ne pas bien comprendre la signification de ce geste.

la pièce dont tu parles infiltration homogène pour piano à queue a été réalisée en 1966 et restaurée en 1985.

sur la photo, l'on ne voit pas la première peau.
elle est suspendue à une patère (à la droite de l'image).

3I01565.jpg

plight de 1985 en est une variation extrême, puisque beuys devait disparaître peu de temps après.

:p
 
un autre artiste qui utilise le feutre (mais pour des raisons différentes de beuys...).

robert morris
wall hanging. 1969-70. centre georges pompidou.

3I00017.jpg

ici, le feutre n'isole plus, ne protège plus.
il devient support.
 
Je ne savais rien de lui jusqu'au jour où fut organisée dans la classe une grande discussion publique qu'il nommait " Ring-gespräch " car nous étions tous assis en rond. Au centre de la pièce se trouvaient un os et un pistolet, et nous étions invités à réagir. Après plusieurs interventions, Joseph Beuys demanda la parole, et dit: "Il faut d'abord tenir compte du fait qu'il s'agit ici de l'os d'un grizzli ". Cela m'impressionna d'abord de voir qu'il était le premier à parler de l'os, et qu'il en connaissait la provenance.Il ajouta :" ces deux objets sont intéressants dans leur différence: I'un est une partie organique, I'autre une partie mécanique, et il serait intéressant de contrôler la genèse de ces deux objets. Mais par ailleurs, quelque chose aussi les rapproche: ils ont tous les deux quelque chose à voir avec la mort. L'os parce qu'il n'est plus dans le corps de l'ours, et le pistolet, non seulement parce qu'on peut tuer grâce à lui, mais, parce que son principe mécanique même est un principe de mort". La précision de sa description m'en imposa; en outre, en deux ou trois phrases, une véritable perspective s'ouvrait à nous.
Mais la discussion n'était pas finie. Elle se poursuivit jusqu'au moment où une jeune fille, accoutrée comme une sorcière, se leva pour écrire au tableau des signes cabalistiques la lune, le soleil, et sous chacun des deux mots, plusieurs notions: femme, eau .../ homme, feu, etc. Je trouvais cela stupide, artitraire, et mêlé de superstition .L'ensemble du groupe lui aussi ne prenait pas au sérieux cette intervention .C'est alors que Beuys déclara qu'il ne comprenait pas notre réaction, car ce qui venait d'être écrit était la première chose raisonnable produite aujourd'hui. Ce fut pour moi comme un coup au visage - je ne comprenais plus rien .La contradiction était remarquable entre d'un coté l'expression d'une pensée claire, scientifique, et de l'autre, l'assurance donnée que ce rébus de notions était d'une grande précision. (...)


Joseph Beuys Artstudio n°4 pp 119-120
 
Donc cette photo d'un clébard en train de caguer prise avec un pauvre numérique et au Flash, c'est de l'art, on est bien d'accord?

C'en est presque... Il te reste cependant plusieurs étapes avant de valider le qualificatif "art" de ta "proposition" :

1 - L'exposer dans un lieu reconnu institutionnellement "artistique"
2 - Te faire reconnaître en tant qu'artiste
3 - Vendre cette œuvre à un collectionneur public ou privé qui l'achètera en tant qu'œuvre d'art

Ce sont quand même des étapes importantes.
Voilà.
:)

PS : Quant au goût du "public", l'art et les artistes n'en ont jamais eu rien à foutre et ils ont raison. Le public est une invention assez récente et se contente de regarder ce que l'Institution lui dit de regarder. Aujourd'hui 5000 cornichons se ruent à une expo de Picasso histoire de dire qu'ils l'ont "faite". Mais du temps où Picasso commençait, ces mêmes cornichons n'aurait pas misé un kopeck sur son travail. Si les artistes avaient attendu la reconnaissance du public pour émerger, autant dire que les musées seraient vides.
Attention quand je dis "public" je ne parle pas des amateurs d'art (qui vont du critique professionnel à l'étudiant en art, en passant par le collectionneur particulier), et qui sont finalement une frange marginale.
 
C'en est presque... Il te reste cependant plusieurs étapes avant de valider le qualificatif "art" de ta "proposition" :

1 - L'exposer dans un lieu reconnu institutionnellement "artistique"
2 - Te faire reconnaître en tant qu'artiste
3 - Vendre cette œuvre à un collectionneur public ou privé qui l'achètera en tant qu'œuvre d'art

Ce sont quand même des étapes importantes.
Voilà.
:)

PS : Quant au goût du "public", l'art et les artistes n'en ont jamais eu rien à foutre et ils ont raison. Le public est une invention assez récente et se contente de regarder ce que l'Institution lui dit de regarder. Aujourd'hui 5000 cornichons se ruent à une expo de Picasso histoire de dire qu'ils l'ont "faite". Mais du temps où Picasso commençait, ces mêmes cornichons n'aurait pas misé un kopeck sur son travail. Si les artistes avaient attendu la reconnaissance du public pour émerger, autant dire que les musées seraient vides.
Attention quand je dis "public" je ne parle pas des amateurs d'art (qui vont du critique professionnel à l'étudiant en art, en passant par le collectionneur particulier), et qui sont finalement une frange marginale.

Donc c'est ce que je disais plus haut. Pour mériter le qualificatif artiste, il faut un bon attaché de presse... :rolleyes: :sleep: :D
 
Le feutre décale le piano du contexte de son usage habituel (instrument sonore de concert) en l'empêchant précisément d'être sonore.

Le feurtre isole protège mais il ne "décale" pas tant que ça sachant que le piano possède des feutres tout comme l'homme possède de la graisse. Il y a un lien entre intérieur/extérieur. Similitude de forme entre les rouleaux isolants qui sont posés contre les murs et les feutres du piano. Et aussi, à la base, un lien bien fondamental avec l'histoire de Beuys. Le piano ce pourrait être lui.

J'avoue ne pas bien comprendre la signification de ce geste.

Garder une peau morte parce qu'elle fait partie de l'oeuvre et parce qu'elle a joué son rôle. Le feutre porte une charge affective, il est vital, noble, il est indigne de le jeter.
 
Donc c'est ce que je disais plus haut. Pour mériter le qualificatif artiste, il faut un bon attaché de presse... :rolleyes: :sleep: :D

Ou être un bon commercial... Le commerce comme "art ultime" ?

Cela dit on parle ici à court terme. Mais à long terme, c'est autre chose.
C'est le temps qui passe qui fait le tri. Dans 50 ou 100 ans, les véritables artistes resteront, ou plutôt leurs œuvres. Les artistes du moment, opportunistes, mariolles habiles ou effets de mode incarnés seront oubliés.

Ce regard rétrospectif, on appelle çà "l'histoire de l'art".
 
Le feurtre isole protège mais il ne "décale" pas tant que ça sachant que le piano possède des feutres tout comme l'homme possède de la graisse. Il y a un lien entre intérieur/extérieur. Similitude de forme entre les rouleaux isolants qui sont posés contre les murs et les feutres du piano. Et aussi, à la base, un lien bien fondamental avec l'histoire de Beuys. Le piano ce pourrait être lui.

Garder une peau morte parce qu'elle fait partie de l'oeuvre et parce qu'elle a joué son rôle. Le feutre porte une charge affective, il est vital, noble, il est indigne de le jeter.

l'art de beuys participe d'un principe de survie majeur.
il n'y a pas d'entités séparées entre la vie et la façon dont l'oeuvre se manifeste, advient.

le piano peut dire: beuys, c'est moi.
:)
 
il est toujours facile de faire le procès de l'art contemporain parce que bien souvent on en ignore les enjeux esthétiques, on manque d'outils conceptuels qui permettent d'en avoir une critique informée.
de plus, l'art contemporain n'est pas aisément accessible sans une connaissance minimale des mouvements artistiques du siècle passé et plus récemment de la querelle de l'art contemporain des années 90.

quand aux réalités du marché de l'art, elles sont beaucoup plus complexes qu'une simple mise en valeur en trois points.

j'ajouterais que beaucoup d'artistes intègrent dans leur travail une critique des institutions muséales, leur normalisation et leurs dérives mercantiles.
 
il est toujours facile de faire le procès de l'art contemporain parce que bien souvent on en ignore les enjeux esthétiques, on manque d'outils conceptuels qui permettent d'en avoir une critique informée.
de plus, l'art contemporain n'est pas aisément accessible sans une connaissance minimale des mouvements artistiques du siècle passé et plus récemment de la querelle de l'art contemporain des années 90.

quand aux réalités du marché de l'art, elles sont beaucoup plus complexes qu'une simple mise en valeur en trois points.

j'ajouterais que beaucoup d'artistes intègrent dans leur travail une critique des institutions muséales, leur normalisation et leurs dérives mercantiles.

Je sens poindre une critique de mes propos dans tout cela. Forcément sur un forum on est obligé de faire court. Alors je précise un peu.

Contrairement à ce que mes propos pourraient laisser entendre, je ne suis pas un pourfendeur de "l'art contemporain". D'ailleurs cela me gêne d'accoler ce terme de "contemporain" à celui d'art. Tout art n'a-t-il pas été un moment contemporain de son époque ? S'il ne s'agissait que de le définir comme un art "actuel", produit par des artistes en activité en ce moment, cela relèverait d'une sorte de bon sens. Cependant, je soupçonne derrière ce terme une certaine forme de "système" spécifiquement français et qui contraint des artistes intéressants à devoir calibrer leur travail en regard de celui-ci, sous peine d'être exclus. Ce système est celui dont on a hérité des années Lang. Je considère qu'il a été néfaste à l'art en France.

Je suis entièrement d'accord quand il est écrit que l'art dit "contemporain" nécessite d'avoir des outils pour l'appréhender. Il en est ainsi pour l'art en général d'ailleurs. Simplement l'art "ancien" semble plus accessible en raison de sa reconnaissance. Je trouve profondément démagogique d'affirmer que l'art puisse être accessible à tous en terme de compréhension. L'art est aussi une forme de pensée, avec sa complexité, ses enjeux, ses héritages historiques. Il est évident que cela nécessite une initiation, un apprentissage, une éducation du goût. On ne dit pas que la physique quantique est accessible à tous, que tout le monde peut la comprendre sans apprentissage préalable.
Le regretté Serge Gainsbourg avait une fois déclaré à une émission de Pivot que la chanson était un art "mineur". Colère de Guy Béart présent sur le plateau affirmant que la chanson était un art majeur. Gainsbourg a eu cette réponse pour moi très juste : "Si ! C'est un art mineur car il ne nécessite pas d'initiation, à l'inverse de la peinture, de la musique et de la littérature qui sont des arts majeurs car eux nécessitent une initiation." (je cite de mémoire).
Vois-tu, je fais partie d'une génération qui a été au collège pendant les années Lang où çà se gargarisait de "création" et de "culture" et en 4 ans de vie de collège je n'ai jamais eu un seul cours d'arts plastiques ni de musique. Tout le monde s'accorde aujourd'hui pour dire que les collèges et lycées ont été les parents pauvres de la politiques culturelle de Lang. Alors quid de l'éducation artistique si elle ne passe même pas par l'école ?
 
Après un certain parcours personnel, les discours "savants" sur l'art me gênent toujours un peu car je les trouve toujours assez "péremptoires". Affirmer que "Tel artiste pose la question de..." sans réserves sur la dimension subjective de celui qui tient ce discours - car nous sommes dans le domaine du discours - çà m'agace de plus en plus. Il y a une dimension "explicative" qui est parfois trompeuse, comme si une œuvre "s'expliquait" doctement comme le fonctionnement d'un objet.

Or après bien des années, s'il y a une chose dont je me méfie, ce sont bien des explications. René Char a une belle formule où il dit qu'il ne faut pas jeter un voile d'explication sur les choses. La tentative d'explication, celle de la critique "sçavante", c'est aussi une façon de mettre à distance l'étrangeté, l'altérité ou encore la singularité de l'œuvre, de la cantonner et de dissimuler son propre trouble, voire sa crainte ou sa propre médiocrité face à l'œuvre. Une sorte de "barrière sanitaire" que créerait le discours critique. Car si on y réfléchit bien, qu'un individu se jette à corps perdu dans le travail artistique, sans limite, c'est quand même irréductible à une compréhension globale ; à la limite : çà fait flipper ; çà ne se réduit pas à des explications.
Par exemple quand on voit des gens bien tranquillement assis dans leur fauteuil expliquer que l'Actionnisme Viennois c'est pour contester ceci ou cela, d'accord je veux bien. Mais quand même : qu'est-ce qui a poussé des artistes dans leur chair, dans leur être, dans leur psychisme à faire cela ? Aucune critique si docte soit-elle ne pourra nous "l'expliquer" entièrement. Elle peut donner des bribes, des pistes. Mais pas davantage je crois. Même si je ne suis pas un admirateur particulier de ce mouvement, je peux juste dire "qu'il fallait le faire". Et certainement dans le contexte de l'époque qui plus est.
Tenir un discours sur l'art, c'est souvent parler de soi.
Voilà pourquoi je disais déjà plus haut que le seul discours possible sur l'art, possible et honnête ajouterais-je, c'est bien le monologue.
 
Et certainement dans le contexte de l'époque qui plus est.
Tenir un discours sur l'art, c'est souvent parler de soi.
Voilà pourquoi je disais déjà plus haut que le seul discours possible sur l'art, possible et honnête ajouterais-je, c'est bien le monologue.

Il est vrai que la critique est aisée et l'art difficile. En fin de compte, hormis du point de vue de la pratique artistique elle-même dans ce qu'elle a de physique, sensuel, émotionnel, gestuel, c'est peut-être parce qu'avec l'art conceptuel, l'art a pris une tournure encore plus difficile que les critiques ont joué leur rôle a plein en expliquant l'art par l'écrit. Tentative souvent vainement justificatrice, gargarisme de mots qui desservent plus qu'ils ne servent l'artiste lui-même. Beaucoup d'artistes ont écrit, pour éviter, en partie, que les critiques ne leur enlèvent les mots de la bouche comme de la plume et parce que personne ne peut mieux sinon expliquer du moins parler de leur travail, qu'eux-mêmes. C'est ce dont s'aperçoivent les interlocuteurs de Beuys dans la citation du post de da capo. L'artiste, dans ce cas, serait le seul à comprendre et sans doute monologuerait-il lui aussi si la jeune femme ne semblait lui répondre dans sa langue grâce à des signes cabalistiques.