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Membre supprimé 1060554
Invité
Quand je regarde cette image :
l'enfant que j'ai été le soir sous la lampe, à la campagne - c'est presque moi encore.
l'enfant que j'ai été le soir sous la lampe, à la campagne - c'est presque moi encore.
Je ne suis pas en train d'observer un paysage où les lignes de fuite d'une perspective savante donneraient l'illusion d'une profondeur qui s'échappe au loin, là-bas, derrière l'à-plat de vitre d'un tableau.. Non. L'image ne s'éloigne pas, de se creuser vers un lointain. Elle s'avance. Ses bords se courbent vers moi qui regarde. Cette courbure qui s'approche des deux côtés fait disparaître l'espace étranger à l'image. Comme quand l'abat-jour de l'enfance noyait d'un cône d'ombre l'espace de la pièce où disparaissaient les adultes, tandis que les bords lumineux de l'image s'incurvaient en se rapprochant pour créer l'intimité.
En même temps que les bords de l'image s'approchent en s'incurvant, en faisant disparaître l'espace étranger, le paysage horizontal se cintre vers le haut à la manière de ces "ponts-lunes" chinois ou de ces ponts vénitiens semi-circulaires dont le reflet dans l'eau qu'ils surplombent complète l'image par celle d'un arc symétrique dans une circularité achevée. Où le temps se suspend dans une orbe sans histoire.
C'est la nuit, et cette nuit n'est pas la disparition de la lumière, des formes et des couleurs. C'est la révélation des formes et des couleurs à la lumière des lampes qui ont un pacte avec la nuit. Teintes feutrées des pastels des maisons à colombages. Douceur rêveuse du silence lorsque l'affairement diurne a libéré la scène.
La Petite Venise de Colmar à l'image de l'enfance.