Le labo de PVPBP

Avertissement liminaire.

Je ne fais pas de photographie et je suis ignorant en technique photographique. J'ai donc une attitude innocente par rapport aux photographies des autres sur lesquelles je tombe. Innocente, au sens où je fais abstraction de la technique du photographe qui lui a permis de construire sa photo, pour me contenter de contempler naïvement ce que la photo me donne à voir. J'ai donc une attitude phénoménologique en quelque sorte, prenant la photographie comme une manifestation graphique immédiate, abstraction faite de tout concept de son mode de production.

Mais ce n'est pas parce que je revendique une innocence et une naïveté contemplative, qu'il faut me prendre pour un imbécile et un niais. C'est-à-dire un exemplaire de ces publics "gobe-tout", jamais rassasiés de se remplir les yeux d'imageries de cartes postales et autres clichés, dont la fonction monotone consiste à faire accroire qu'il existe bien des choses de diverses couleurs et de diverses figures, et que la fonction de la photographie consisterait à en reproduire en image la réalité posée indépendamment dans son inépuisable détail. En somme, d'alimenter l'illusion qu'il existe un spectacle indépendamment du spectateur, la vocation du spectateur étant d'admirer la réalité colorée et diverse d'un spectacle de choses qui existerait hors de lui et sans lui.

Mon innocence et ma naïveté contemplatives vont donc de pair avec une indifférence complète pour toutes les photos qui n'ont rien d'autre à présenter qu'une espèce de factualité des choses et ne sont que des clichés d'une réalité prétendue exister objectivement. Car je demande à une photographie, tout innocent et naïf techniquement parlant que je me professe, de me montrer le rôle du sujet qui regarde dans la configuration du spectacle. De m'exposer la subjectivité de tout spectacle, en somme. De me l'exposer non pas en rajoutant des commentaires écrits personnels à des photos purement réalistes, mais dans la structure même de l'image.
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Cette photo récente de SirDeck :

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m'arrache précisément au baillement d'indifférence suscité personnellement par la floppée de clichés colorés qui inonde les fils dédiés des forums. Car elle provoque mon innocence phénoménologique en me forçant à m'engager dans une aventure de la perception.

Hé oui ! il y a des jours comme ça où on n'a pas les yeux en face des trous. Plus exactement, où on a l'impression que les deux yeux ne coopèrent pas comme d'habitude, pour donner une perception unifiée.

Ici, mon œil gauche voit dans le cadre rectangulaire de l'image, bien orthonormé selon l'horizontale et la verticale. J'ai donc un œil gauche qui voit droit, si je puis dire plaisamment, et qui a un champ de vision en forme de rectangle. Quant à mon œil droit, il voit de manière gauchie (pour le dire toujours aussi plaisamment) : manière gauchie par une espèce de balayage latéral de droite à gauche qui plonge en même temps de haut en bas. En somme, mon œil droit voit en diagonale gauche, tandis que mon œil gauche voit de manière droite.

La photo suscite donc en moi une divergence perceptive : elle désolidarise mes deux yeux, le gauche regardant droitement en profondeur, le droit balayant latéralement en diagonale descendante vers la gauche. Vous allez me dire : pourquoi ce privilège à l'œil gauche d'aller droitement en profondeur, et pas à l'œil droit ici ? Réponse personnelle : j'ai l'œil directeur gauche, tout en étant droitier, contrariété qui fait que je suis inapte à me servir d'un fusil empoigné en droitier pour aligner ma visée de l'œil gauche, tandis que je peux sans difficulté effectuer tous les tirs de juger avec une arme de poing. Mon œil de profondeur est donc le gauche, et mon œil de latéralité est le droit.

La photo de SirDeck me force donc à me servir de mes deux yeux indépendamment, ce qui va donc donner une perception paradoxale. Pourquoi cela ? Car si le cadre de la photo est orthonormé, càd. droitement aligné selon la verticale et l'horizontale, le plan inclus dans ce cadre se trouve incliné de 5° environ vers la gauche par rapport à la verticale du cadre. Comme mon œil gauche est mon œil de champ (je veux dire ici de profondeur de champ), c'est donc lui qui prend le cadre rectangulaire orthonormé pour repère et s'enfonce dans l'image droitement en direction de sa profondeur. Tandis que mon œil droit qui est mon œil de latéralité (je veux dire de balayage latéral de surface), capture un plan contenu dans le cadre de l'image qui se trouve incliné latéralement vers la gauche. Mon œil gauche va droit en profondeur de champ, tandis que mon œil droit balaye une surface gauchie par son inclinaison latérale à gauche.

La photo penche, mais uniquement pour la vision latérale de mon œil droit. Car pour mon œil gauche, elle ne penche pas, mais lui offre une profondeur de champ rectangulaire tout à fait droite. SirDeck a donc réussi à me faire loucher de l'œil droit, tout en préservant la rectitude de champ de mon œil directeur gauche. Ce qui m'empêche d'effectuer une synthèse perceptive coutumière, mais me suspend dans une attention divisée, ou un état de perception divergente. Disposition cirtique, éminemment favorable à l'exercice de la méditation.

Exerçons-la donc de manière narrative, puisqu'aussi bien Doisneau déclarait qu'une bonne photo raconte une histoire. Disons qu'ici je me raconte cette histoire à moi-même, même si elle ne correspond pas à celle de SirDeck.

C'est donc le matin. Je regarde de l'œil gauche à travers la fenêtre d'un logement de vacances, avec cet élan visuel d'un qui envisage de sortir pour quelque balade de montagne dont j'aperçois une pente forestière et un mélèze. Ah zut ! le ciel est bouché de nébulosités et la vitre de la fenêtre emperlée de pluie. Et vlan ! mon élan visuel de l'œil gauche bute litéralement dans son échappée belle en profondeur, comme s'il tapait contre l'écran de la vitre. En somme : je me retrouve contrarié dans le champ de mon projet, ce qui cède le privilège de ma vision à mon œil droit. Mon œil droit balaye donc le plan de proximité : la surface carrelée du plan de travail d'un évier, avec trois tasses pleines d'eau chaude fumante d'une préparation nomade de petit déjeuner (du café soluble ou du thé lavasse !). Hélas ! la contrariété de l'élan visuel de mon œil gauche a affecté la vision latérale de mon œil droit quasiment de manière dépressive. Coulé mon projet en profondeur (de sortir me promener en montagne avec les deux autres annoncés par les tasses), voilà que ma vision de proximité s'en trouve chavirée. Chute du projet qui me fait voir l'espace proche comme l'espace d'un naufrage : l'enfoncement dans un confinement à domicile, qui gauchit ma vision latérale. Le plan de proximité de l'intérieur a pris la gîte sinistre autant que sénestre d'un échec de l'évasion projetée : le basculement des choses dans l'enclosure du confinement.

Je pourrais certes encore broder et épiloguer, mais j'ai dit l'essentiel : la photographie de SirDeck inscrit la subjectivité dans la structure même de ce qui est montré. Elle fait sens paradoxal : le reflux d'un projet d'évasion en naufrage domiciliaire.
 
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Ce tableau de Holbein le Jeune : les Ambassadeurs :
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héberge la plus célèbre anamorphose de l'histoire de la peinture. Anamorphose : affichage d'une forme déterminée pour un point de vue spécifique. À l'avant-plan, en effet, nous voyons la figure en navette d'une espèce d'os de seiche. Mais si nous guignons le tableau en diagonale gauche depuis la droite, nous apercevons ceci :
Holbein_Ambassadors_anamorphosis.png
soit la figure d'un crâne en relief. Ce qui est intéressant à constater dans ce genre d'anamorphose, c'est qu'elle est exclusive du tableau primaire. Si nous voyons le champ figuratif du tableau, l'anamorphose ne se montre pas dans sa forme développée ; mais si nous apercevons la forme développée de l'anamorphose, le champ du tableau se perd dans une obliquité plane dépourvue de figuration.

Considérons à présent cette photo affichée récemment par SirDeck -->
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La scène se passe dans le VIIIè arrondissement de Paris, square Édouard VII exactement. Un illuminé nommé Felice Varini a peint des tags oranges gigantesques sur les façades des bâtiments du square. Mais si l'on se place (comme SirDeck prenant la photo) exactement dans l'encadrement d'un passage couvert donnant sur le square, alors les tags oranges s'avèrent une anamorphose ayant la forme rigoureuse d'une hélice formée de 4 pales triangulaires allongées parfaitement rectilignes.

La différence avec le tableau d'Holbein le Jeune étant que l'espace primitif et l'anamorphose ne s'excluent pas mutuellement, mais se composent, l'anamorphose superposant une géométrie euclidienne plane à la structure architecturale en profondeur des bâtiments.

Pour l'instant, je me suis contenté d'aviser le contenu figuratif de la photo de SirDeck. Mais cette photo n'est pas exactement identique à ce contenu, dans la mesure où elle montre ce contenu en rapport avec une forme. Cette forme est l'encadrement noir substantiel qui met en forme le contenu précédemment décrit, à la manière de l'huisserie métallique d'une ouverture de fenêtre suggérant la présence d'une vitre transparente enchâssée dans le cadre de la fenêtre. En somme, la photo de SirDeck montre le square et la révélation de son anamorphose comme vus à travers la vitre transparente d'un encadrement carré de fenêtre.

Ce qui donne l'impression que l'hélice géométrique orange ne provient pas d'une anamorphose peinte à même les façades des bâtiments, mais se compose de calques oranges transparents collés à même la vitre de la fenêtre de premier plan et interceptant le spectacle de bâtiments vierges de tags de peinture.

Mais alors (me demandé-je) : est-ce que SirDeck ne doterait pas l'anamorphose de Varini d'un autre sens - qui ferait contre-sens du sens propre de l'œuvre du peintre en bâtiments ? Pour évaluer ce décalage ou cette contrariété, encore faudrait-il que je puisse m'assurer du sens primitif de l'anamorphose de Varini. Or quel est-il ce sens ?

Ce que j'en perçois se ramène à ceci : l'anamorphose une fois déployée géométriquement pour le point de vue spécifique du passage couvert, donne l'impression d'une structure géométrique colorée qui se détache de la matérialité de son support (la pierre des façades) comme de la profondeur de champ de son inscription physique, pour apparaître dans une sorte de suspension immatérielle : de forme colorée plane dématérialisée, ou encore d'idéalité figurative. En cela, j'ai l'intuition que le sens de l'œuvre de Varini consiste à idéaliser une donnée matérielle en relief, pour en faire la source d'une émission figurative idéale : une forme plane immatérielle.

Eh bien ! je dirai que la photo de SirDeck constitue un développement du sens de l'œuvre de Varini, ou disons une interprétation critique. Car cette idéalité figurative que l'anamorphose de Varini cherche à inscrire sur la plaque photographique de la rétine du spectateur situé au point voulu, SirDeck en précipite l'inscription sur une vitre de fenêtre que le montage de sa photographie situe en réceptacle de l'anamorphose. Pour révéler que ce genre d'anamorphose requiert une vitre imaginaire pour venir s'y inscrire en tant que calque translucide. C'est-à-dire renvoie la profondeur de champ de l'espace à un statut de perspective sous vitre, interdite d'accès par l'intercalaire de la vitre où se peint l'anamorphose.

En quoi se révèle le sens de la photographie : on ne capture une figuration qu'à adopter une attitude contemplative de derrière une vitre. Dès qu'on s'engage dans le paysage contemplé (comme les personnages du square), on brise la vitre intercalaire et on perd de vue l'idéalité des anamorphoses. Contempler, et par suite photographier, implique d'arrêter de marcher. Mais dès qu'on cesse de marcher, ce qu'on contemple (et donc photographie) se trouve renvoyé derrière une vitre qui en interdit l'accès.
 
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Réactions: Human-Fly et SirDeck
Le point de vue. C'est cela.

macomaniac me fait découvrir l'origine de ces peintures :merci:.

Elles me semblent très instructives pour les arts graphiques en cela qu'elles permettent d'expérimenter l'importance du point de vue. Ici, si on change le point de vue ne serait-ce que d'un centimètre dans n'importe quelle dimension, les lignes sont cassées.
Il me semble qu'en photographie, le point de vue est l'élément le plus important. Il organise les éléments les un par rapport aux autres, leurs positions comme leurs tailles. Après, la focale ne fait que découper un cadre dans la vue globale.

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Réactions: Sly54 et Human-Fly
Bonjour, est ce que cette photo prise a central Park un été dois être retouchée pour aller dans PVPBV ?
Voir la pièce jointe 192723

Je vais radoter… Mais ça fait longtemps ;)
Il me semble que c'est Ansel Adams qui disait quelque chose comme : Prendre la photo, c'est comme composer la musique et tirer la photo c'est comme interpréter cette musique.
Une très belle partition peut devenir de la musique d'ascenseur. Inversement, une mauvaise composition, malgré les meilleurs interprètes ne donnera rien d'intéressant.

Voici une photo que j'aime beaucoup. Je l'avais utilisée pour faire réagir le forum en demandant aux membres leur avis, en prétendant qu'elle était de moi. Ce fut très intéressant. De manière étonnante, beaucoup la défendaient. J'avais sous estimé le forum. C'était très malonnette de ma part car il s'agit d'une photo typique de la jeunesse de Rinko Kawaushi, à mon sens, une des plus grandes photographes contemporaines.
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Elle est prise au Rolleiflex (courte profondeur de champs), surexposée (typique de Kawaushi) et sans manipulation (ballet des mains sous l'agrandisseur) dans la chambre noire. Reste le choix du type de développement (chimie, temps, etc.), le type de papier, le type de filtre sur l'agrandisseur, etc.

Une photo numérique, au départ, c'est un négatif digital (le brut) soit un truc illisible par l'humain, de même que le film avant développement. Il faut le développer. Il y a une infinité de manières de faire. Le boîtier en propose une, le jpeg qui s'affiche sur l'écran du boîtier. En gros, ce sont les ingénieurs japonais qui se chargent du développement pour toi. C'est plutôt bon.

À mon sens, on n'est pas dans la retouche. Cela reste du tirage photographique. Il me semble que la retouche, c'est lorsque l'on remplace de l'information, que ce soit du pixel ou du grain argentique. Enlever un grain de beauté ou accentuer le reflet dans un œil (ce que l'on faisait déjà au scalpel, avant la photographie, sur les daguerréotypes).

Pour apprendre à "interpréter" une photographie, rien de tel que de regarder sur Youtube des séances de tirage sous l'agrandisseur.
 
C'est à lui que ça me faisait penser lorsque j'ai découvert le site…
Oui, c'est à lui que j'ai pensé le 16 février 2019 lorsque tu as partagé l'homme au diadème losangé jaune traversant le porche. Tu ne pouvais saisir plus belle pose. Dans ces cas là, je me pose toujours la question de savoir s'il s'agit d'une mise en scène ou pas. Une interrogation qui n'attend pas de réponse tant la composition est réussie. ;)
 
Lorsque je prends des décors en passant (avec le petit fuji x100), il y a des gens qui passent ;)

Je m'inspire de la technique de Doisneau, mais en rapide. Je trouve le point de vue (ici, il était nécessairement au millimètre), je cadre (ici seulement dans l'horizontale, la verticale étant imposée pour avoir des lignes verticales parallèles ce qui nécessite un recadrage en postproduction ; j'imagine en général un carré) et j'attends que quelque chose se passe dans le cadre. Très vite, la position la plus forte du piéton s'impose. En regardant ma photothèque je n'ai rien eu de concluant le premier jour (contrairement à Doisneau qui pouvaient rester une demi-journée d'affilée, je passe moins de 5 minutes volées au temps de trajet). La semaine suivante, la lumière est meilleure, je me remets en place. Plusieurs essais et là, le cas idéal. Un bonhomme tout de noir (qui ressort bien sur le fond) et qui fait des grands pas (j’essaie toujours de déclencher lorsque les jambes sont écartées pour plus de lisibilité) et son pas tombe pile au bon endroit. Ça fait beaucoup de "et". Du bol !

Lorsque je suis avec quelqu'un, je n'hésite pas à le mettre à contribution pour une mise en scène. Le résultat est beaucoup plus rapide et généralement meilleur ;)
 
Bonsoir je me permets de reposter ma photo ici, prise avec mon nez ici, elle n’est pas très nette,

A savoir si l’un de vous serait comment on peut l’améliorer seulement avec Aperçu ainsi pourra t’elle déménager du port folio à PVPBI merci
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Bonjour, je suis arrivé à recadrer pour enlever une tache de l'objectif, mais il m'en reste encore. Une personne serait s'il y a une possibilité de retouche, merci.
0 MacG 39.JPG
 
Tu veux garder le reflet du soleil mais pas les tâches sombre dans le ciel ? C'est facile avec une fonction de lightroom ou photoshop. Envoie-moi la photo avec une meilleure résolution et je te le fais ;)

C'est gentil de ta part, mais l'idée du fil c'est d'aider, pas de faire à la place. Mieux vaudrait que tu expliques comment faire, avec "photos" de préférence s'il en est capable, tout le monde n'ayant pas un logiciel de retouche professionnel.
 
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