J'ai ouvert ce matin à la porte du
Labo_photo de
MacGénération, sans rencontrer de traces d'activité récente. Pourquoi ne pas voler l'occasion d'un de ces exercices de la rêverie que j'affectionne avant que le jour ne se lève? - me suis-je dit, et voici qu'en allumant le rétro-projecteur s'affiche contre le mur la reproduction de cette photo accrochée par
SirDeck aux «
Cimaises» il y a déjà quelque temps :
Comme une photo de 'Marine' que j'ai commentée naguère, celle-ci offre une symétrie géométrique alliée à un dépouillement du motif qui induisent un puissant effet d'
abstraction : format carré et motif centré sur un fond monochrome. Et curieusement, à l'instar de la photo de 'Marine', il semble que cette image s'adresse directement à mon regard pour lui imposer un renversement de ses perspectives courantes. En le contraignant à voir
à la verticale ce qu'on n'aperçoit en tant que quidam qui se promène qu'en regardant à ses pieds : le plan
horizontal d'une dalle de béton.
Quand je regarde à mes pieds, d'habitude, spécialement dans un milieu urbain qui me soustrait à la dimension de la Terre, je ne peux pas dire que je découve un
horizon non plus qu'une
profondeur substantielle (comme
Gaston Bachelard aimait à la prendre pour support de rêveries de son imagination) - non, ma vue s'écrase d'en haut contre une surface dure et inerte.
Mais justement voici qu'un miracle a lieu qui, d'un seul coup, me dépouille de ma verticalité d'adulte, et me rappelle à ces fascinations de l'enfance qui partage avec les chats les reptations microscopiques à même le sol : une tache d'humidité qui occupe le centre même du carreau et une brindille venue fortuitement s'y superposer marient leurs hasards pour donner lieu à une
alchimie_de_l'image.
C'est un
arbre qui
se dresse, là, avec cette
abstraction simple des dessins de l'enfance, où les troncs sont des bâtonnets et les feuillages des contours de nuages. Oui, il se dresse à la
verticale, cet arbre de l'enfance retrouvée, et le support horizontal de la dalle est bien obligé de
suivre le mouvement : c'est un
horizon qui surgit, doux et cotonneux comme lorsqu'un temps de neige fait disparaître le monde et ne présente plus que l'atmosphère de
brume enchantée d'un
Noël, nocturne et lumineuse à la fois. Une particule ocre figure la
Lune à côté de l'arbre, et d'innombrables étoiles composent avec des flocons ce
Pays_Magique où tout est
proche et où tout vous
attend.
Il n'y a plus qu'à
s'avancer dans ce paysage qui s'offre : le
Pays_de_la_Promesse. Quelle merveille! Une surface horizontale opaque et dure, qu'un simple dessin fortuit transfigure, pour y ouvrir la profondeur d'un paysage constellé dans lequel vous êtes convié à vous avancer. Cette traversée des surfaces qui se transforment en portes du jardin : c'est le pouvoir de
métaphore de l'image - le
transport euphorique par lequel l'
imagination, redevenue faculté maîtresse de l'esprit, fait s'avancer l'enfant dans l'
Ouvert.